L’alimentation s’inscrit dans un ensemble de pratiques qui dépassent le repas et sa simple consommation. C’est un acte à la fois biologique et culturel, individuel et collectif, ce qui rend la pratique alimentaire un usage complexe. Lorsque le professionnel parle d’alimentation, il véhicule, volontairement ou non, des représentations, des normes sociales, des valeurs, des expériences vécues, des habitudes… Avant toute intervention auprès et avec différents publics, il est important de faire un travail de questionnement et de déconstruction de ses propres représentations. Cela peut permettre d’ajuster les différentes manières d’agir et d’augmenter les possibilités d’actions individuelles et collectives.
L’enjeu pour tous acteurs souhaitant mettre en place un programme d’éducation nutritionnelle est d’articuler des objectifs de santé publique collectifs pour être en bonne santé avec la culture, l’éducation et les représentations des personnes. Avant d'être une approche de santé publique, l’éducation nutritionnelle est avant tout une approche familiale et culturelle. Ainsi, dans sa pratique, le professionnel se doit de veiller à ne pas tenir un discours stigmatisant et moralisateur envers les modes d’alimentation familiaux acquis. De ce fait, le conflit de loyauté, défini comme le sentiment de devoir prendre parti entre les valeurs acquises d'un côté par les pairs et de l'autre par les professionnels, peut être un problème récurrent. « C’est en agissant sur les représentations et en tenant compte des habitudes coutumières, que l’on pourra agir sur les mangeurs, bien plus qu’en les heurtant au nom des certitudes scientifiques." (Hoffman A, 2006) ». Cultures&Santé a mis en place un outil pédagogique « L’alimentation c’est aussi… » visant à créer au sein d’un groupe une réflexion sur l’alimentation dans toutes ses dimensions, dans une approche de promotion de la santé.
Certains professionnels doivent aussi prendre en compte la situation de précarité de la population. « Intervenir auprès des publics très précaires est un exercice délicat », c’est-ce que nous explique le Docteure Landy Razanamahefa dans son interview « L’éducation nutritionnelle auprès des publics en situation de grande précarité ». L’alimentation des personnes en situation de précarité représente un véritable défi en promotion de la santé. Les difficultés financières, mais aussi le cadre de vie, ne sont pas toujours propices à une alimentation saine.
Ajoutée à cela, l’acculturation de certains migrants peut conduire à l’instauration d’habitude alimentaire non-favorable à la santé. En plus de quitter leur pays d’origine, ces derniers doivent se réapproprier de nouveaux repères, qui pour certains, sont très éloignés de la culture de leurs pays d'origine [BEH 19-20, 2017]. Lorsque l’on mène une action auprès des publics en situation de précarité, il est important de bien adapter ses messages et veiller à ce qu’ils soient simples, compréhensibles et réalisables. Pour aider les professionnels, Cultures&Santé a mis en place un dossier thématique « Alimentation et précarité », qui regroupe des références documentaires et pédagogiques qui permettent de comprendre les enjeux liés à l’alimentation des personnes en situation de précarité.
Pour résumer, une approche comportementale stricte pourrait être contre-productive si elle ne prend pas en compte les contextes de vie des personnes, c’est-à-dire, leur environnement, leur statut socio-économique, leur culture… De ce fait, un travail d’analyse, en lien avec les personnes concernées, se doit d’être effectué en amont de toute intervention.
L'importance de la prise en compte du contexte interculturel dans l'acceptation d'un message pour la santé : l'exemple du projet PAAN d'éducation nutritionnelle Jean-François Bouville, 2001
Alimentation à tout prix, classeur de formation et d'intervention Manger Bouger, 2005
Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire : Etude Abena 2011-2012 et évolutions depuis 2004-2005 Santé publique France, 2013