Groupe de personnes débattant

Capitalisation d'expérience « Coopérative d'acteurs Nutrition »

« Coopérative d'acteurs Nutrition »

Ce récit d'expérience est réalisé sur la base d'un entretien de capitalisation conduit en juin 2021 avec :

  • Dorra Belaid, Chargée de mission sur la promotion de la santé et la réduction des inégalités de santé sur le territoire - DD95 ARS IdF (Dorra.BELAID@ars.sante.fr)
  • Noémie Siefert, Chargée de mission coopération territoriale et innovation sociale au Pôle ressources ville et développement social - CRPV Ouest francilien (noemie.siefert@lepoleressources.fr)
  • Marthe Labady et Levana Hadjad, Mission de service civique - CRPV Ouest francilien
  • Agata Jedrzejewska, modératrice en faveur de la participation des habitants
  • Majda Kahn, Akaffou Alou et Yasmina Chair, habitantes de Garges-lès-Gonesse

Principes de la démarche de capitalisation

Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).

Entre 2020 et 2021, dans le cadre de la coopérative d’acteurs du 95 et à l’issue de Focus-group auprès de parents Val d’Oisiens, des actions nutrition ont été co-construites et réalisées avec les habitants. La coopérative d’acteurs est une démarche initiée par l’ARS IdF dans le but de promouvoir des interventions sur des thématiques peu ou pas couvertes, ou des publics en situation de vulnérabilité sociale, au travers d’un maillage d’acteurs. La participation des habitants est un principe-socle de la coopérative, notamment par l’évaluation et la prise en compte des besoins et par l’implication des habitants dans les actions. Ce récit de capitalisation des expériences a été réalisé en partenariat entre Promotion Santé IDF et l’Institut Renaudot, sur la base d’un entretien avec les professionnels et d’un focus group avec des habitantes engagées dans la démarche.

InterventionProjet de co-construction d’actions Nutrition avec les habitants
PorteursCoopérative d’acteurs Nutrition du Val d’Oise : Délégation départementale du Val d’Oise de l’Agence régionale de Santé Ile-de-France (DDARS95), Pôle de ressources Ville et développement social, Contrats locaux de santé (CLS) des villes concernées, Maisons de quartiers et centres sociaux, associations locales (associations sportives, association Pierre de Lune, association Agir pour un engagement citoyen (APEC), association Empreinte, Réseau de Prévention de l'Obésité Pédiatrique (REPOP), Maison des adolescents, association Hip Hop…)
Personnes concernées engagées dans la démarche : Parents et familles des villes concernées, Habitants des villes concernées

 

ThématiquesNutrition (alimentation et activité physique) - Participation - Jardinage
Population cibleHabitants des 5 villes de l’Est du Val d’Oise concernées par les actions de la Coopérative Acteurs Nutrition
Calendrier2018 - création de la coopérative d’acteurs
2019 - réalisation du Focus group auprès des parents
2020-2021 – co-construction avec les habitants et réalisation des actions
Milieu d’interventionQuartiers politique de la ville
Territoire concerné5 villes du Val d’Oise (95) : Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Goussainville, Sarcelles et Villiers-le-Bel
Principaux partenaires  Intervenants prestataires : Comité départemental d'éducation à la santé du Val d'Oise (CODES 95), association b.a.BA à Cergy et une Cheffe pâtissière en free-lance
Equipe sur le programme1 coordinateur CLS par ville concernée, 1 chargée de mission de la DDARS95, 1 chargée de mission au Pôle ressources ville et développement social, 2 services civiques
ObjectifsImpliquer les habitants/parents afin de promouvoir la nutrition

 


Ce récit de capitalisation des expériences est réalisé en partenariat entre Promotion Santé IdF et l’Institut Renaudot, sur la base d’un entretien avec les professionnels conduit par Promotion Santé IdF, et d’un focus group avec certaines habitantes engagées dans la démarche, animé par l'Institut Renaudot.

Cette capitalisation a ainsi fait l’objet d’un double regard :

  • de la part des porteurs de projet : sur l’historique et le contexte de la démarche, les modalités de mise en œuvre de la participation des habitants, les freins et leviers rencontrés, etc.
  • et de la part d’habitantes particulièrement impliquées dans le projet, membres du groupe relais à Garges-lès-Gonesse : sur leur place dans le projet, les modalités de leur implication, facteurs de réussite d’un tel projet de leur point de vue.

Le projet a été mis en œuvre dans 5 villes auprès de plusieurs groupes d’habitants. Les habitantes de Garges-lès-Gonesse qui ont contribué à cette capitalisation, ont partagé leur propre expérience. Les modalités de participation ne sont peut-être pas les mêmes dans les autres groupes.

En revanche, la capitalisation menée auprès des porteurs de projet s’intéresse à l’ensemble du programme mené dans les 5 villes du Val d’Oise.

Afin de faciliter la lecture du document et de distinguer la parole des porteurs de projet de celle des habitantes rencontrées à Garges-lès-Gonesse, l’analyse réalisée à partir des propos des habitants relais est indiquée des textes italiques gras.


Présentation de la démarche participative

Présentation de la structure

Les coopératives d’acteurs en promotion de la santé sont une démarche initiée par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France (ARS IdF) dans le but de promouvoir des interventions à partir d’alliances d’acteurs, pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé. Il s’agit d’une démarche qui tente de répondre aux besoins de santé identifiés, sur des thématiques peu ou pas couvertes, ou des publics en situation de vulnérabilité sociale, au travers d’un maillage d’acteurs sur un territoire, impulsé par la délégation départementale de l’ARS. A l’initiative de l’ARS IdF, la délégation départementale du 95 (DDARS95) a impulsé auprès des coordinateurs des CLS de cinq villes du Val d’Oise (Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Goussainville, Sarcelles et Villiers-le-Bel) et des acteurs locaux, la création d’une coopérative d’acteurs sur la nutrition. Il s’agit de zones urbaines denses et précaires qui comprennent de nombreux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le Comité de pilotage (Copil) de cette coopérative d’acteurs organise des réunions mensuelles où se rencontrent les différents membres : les contrats locaux de santé (CLS), les institutions (la DDARS95, l’Education nationale…), les associations locales et les services intercommunaux concernés. Ce Copil accueille également des habitants particulièrement engagés dans les actions mises en place. Il a pour objectifs de définir la stratégie et les actions à mener, de dresser des bilans d’étape, de partager les difficultés rencontrées et de prendre des décisions.

Chronologie de la démarche

Les villes de Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Goussainville, Sarcelles et Villiers-le-Bel font partie de la communauté d’agglomération de Roissy Pays-de-France située à l’Est du Val d’Oise.

Création de la coopérative d’acteurs nutrition (2018)

En 2018, la DDARS95, les coordinateurs CLS et des acteurs locaux des 5 communes ont créé la coopérative d’acteurs « Nutrition » sur le territoire de l’Est du Val d’Oise.
La Coopérative d’acteurs a concentré ses actions sur la nutrition : alimentation et activité physique, au vu des données épidémiologiques (prévalence élevée d'obésité et de surpoids), des éléments de diagnostic sur le territoire réalisés par les différents acteurs locaux, du nombre important de demandes de financement pour des projets nutrition auprès de la DDARS95, ainsi que des priorités fixées par l’ARS IdF (PRS2 et priorités locales).

Dans l’objectif de sa création, les acteurs de la coopérative ont été réunis par la DDARS afin de partager une vision collective, mutualiser les pratiques pour travailler en intercommunalité, connaitre davantage les offres et services relatifs à la nutrition et à la promotion de la santé sur les communes. Ils ont ainsi construit les projets de la coopérative d’acteurs et demander les financements nécessaires.  

Pour le développement de l’axe « démocratie participative », la coopérative d’acteurs s’est appuyée sur le Pôle ressources ville et développement social (indiqué ci-après Pôle ressources), du fait notamment de ses compétences d’animation participative de groupe de travail, de sa posture de tiers-facilitateur et de sa connaissance des ressources et des enjeux du territoire.

Réalisation d’une étude Focus group auprès des parents (mars-octobre 2019)

Une coopérative d’acteurs a pour principe-socle la participation des habitants. L’implication des parents dans les interventions à destination des enfants a rapidement été identifiée comme une difficulté commune à la plupart des acteurs de la coopérative, notamment en milieu scolaire. Les acteurs de la coopérative d’acteurs se sont appuyés sur un document de la DDARS95 reprenant des résultats de recherche sur les stratégies d’actions efficaces en promotion de la santé dans le champ de la nutrition : implication des parents, renforcement des liens parents-enfants, pédagogie ludique et interactive, centrée sur l’enfant et intervention sur l’environnement de l’enfant (famille, milieu scolaire et périscolaire, centres sociaux et maisons de quartiers…)1  . Dans ce cadre, la coopérative d’acteurs a organisé un Focus group (groupe focalisé)2  auprès des parents et de l’entourage proche de l’enfant avec pour objectifs de :

  • comprendre les freins à la participation des parents et de l’entourage proche de l’enfant ;
  • faire émerger des pistes d’actions pour encourager leur implication ;
  • informer les parents des actions existantes sur leur commune ;
  • recueillir leurs représentations concernant la nutrition, l’alimentation et l’activité physique.

Au sein des 5 villes, 87 habitants, parents d’enfants bénéficiant d’interventions nutrition déjà organisées sur le territoire, ont participé à l’étude. Ils ont été recrutés auprès de différentes structures (écoles des villes sur les temps périscolaires et aux cafés des parents, centres sociaux, maisons de quartier, épiceries sociales et autres structures accueillant un public en situation de précarité). Répartis en 8 groupes, ils ont participé chacun à deux focus groups ; le premier sur les représentations des habitants concernant la nutrition, et le second sur les actions qui pourraient être mises en place.

 

A Garges-lès-Gonesse, c’est un groupe de parents, déjà constitué depuis 6 ans dans le cadre du programme de réussite éducative (PRE) qui a été incité à participer au Focus group.


Afin de mobiliser ce groupe, la personne en charge de la santé à la Mairie les a contactés pour les inciter à y participer. Cette sollicitation a pu apparaitre comme une injonction pour certaines membres du groupe « Je faisais déjà partie du groupe parents relais donc je suis conviée, je suis obligée en fait » ; « Elle nous a dit : ‘venez, aidez-moi, je n’ai pas de parents pour pouvoir le gérer à Garges. Vous êtes déjà un groupe, c’est bien ! Je prends le groupe ! »

 

L’analyse des 8 focus groups a fait l’objet d’un livrable reprenant les représentations des parents, les habitudes de vie, les consommations alimentaires et la pratique d’activité physique et sportive de leurs familles, les difficultés qu'ils rencontrent autour de la nutrition avec leurs enfants, et se concluant par 15 pistes d'actions.

Séance intercommunale : restitution des résultats de l’étude et débat mouvant (janvier 2020)

Une séance intercommunale a été organisée à Goussainville auprès d’une cinquantaine d’habitants des différentes villes concernées. Les résultats de l’étude ont été restitués aux habitants, aux acteurs locaux et au Copil. Une méthode de production d’intelligence collective a été utilisée afin de permettre aux habitants de faire un premier choix d’actions co-construites, parmi les 15 issues des focus groups.

Les habitants se sont répartis par groupes selon 3 thématiques : alimentation « se challenger autour de l’équilibre alimentaire », alimentation « s’informer, se repérer », et activité physique « jardiner, bouger ». Le Pôle ressources a utilisé la méthode du débat mouvant3 : les habitants pouvaient se positionner dans l’espace selon leur avis sur chaque action (important, peu important, faisable, non faisable). Les actions relevant des questions de plaidoyer, à l’intention des Elus, n’ont pas été débattues à ce moment-là.
Au fil des échanges, et de l’argumentation des uns et des autres, les habitants ont priorisé 3 actions : la mise en place du projet Opti-courses4 , des ateliers « formations »5  nutrition, cuisine et jardinage à destination des habitants, et des défis intergénérationnels de cuisine. A la fin de la séance intercommunale, les habitants se positionnaient sur les actions pour lesquelles ils étaient en capacité de s’engager, dans une co-construction.
Les actions priorisées ont été soumises pour validation au Copil de la coopérative d’acteurs nutrition.

Mise en place du projet de co-construction (2020)

Suite à la première séance intercommunale, le projet s’est ouvert à l’ensemble des habitants des cinq villes concernées et non plus uniquement aux parents et à l’entourage des enfants. Au cours de l’année 2020, 9 séances communales suivant les mêmes trames d’animation pour toutes les villes, ont été organisées avec les habitants pour commencer la co-construction des actions. En utilisant la technique de Brainstorming6 , les habitants ont partagé leurs idées sur les différentes actions.

  • Finalement, la mise en place du projet Opticourses® n’a pas été retenue. Il s’agit d’un projet labellisé dont le protocole méthodologique ne peut pas être modifié, et la non adaptabilité au contexte de l’Est du Val d’Oise a été un frein à sa mise en place. Notamment, Opticourses® demande un recueil des tickets de caisse qui a été perçu comme stigmatisant par les habitants. De plus, l’objectif de la démarche participative des habitants est de leur laisser la place pour de potentiels aménagements du projet, une forme d’appropriation du projet par le public. Donc, la coopérative d’acteurs a collectivement décidé de ne pas co-construire ce projet.
  • Les ateliers « formations ». Lors des séances communales, les habitants sont intervenus dans le choix du programme de ces ateliers « formation » : équilibre alimentaire, apprendre à jardiner et utiliser certains ustensiles de cuisine, revisiter un plat traditionnel, cuisiner avec des fruits et légumes de saison, etc. Ensuite, c’est au Pôle ressources, avec les coordinateurs CLS de chaque commune et les porteurs de projet/représentant d’habitants de chaque commune, qu’a été confiée la mise en place concrète des ateliers et le lien entre les intervenants prestataires et les « personnes relais » de chaque ville. Les ateliers « formation » ont débuté en décembre 2020.

Les « personnes relais » peuvent être des habitants particulièrement motivés et engagés (salariés ou bénévoles au sein des structures), des adultes relais ou des référents familles qui travaillent dans les différents espaces de vie  sociale au sein des quartiers (associations de proximités, centres sociaux, les maisons de quartiers...). Elles peuvent prendre la posture de représentants des habitants.

Les « habitants relais » sont parmi les personnes relais les habitants particulièrement impliqués sur leur territoire. Par exemple, à Garges-lès-Gonesse, il s’agit d’un groupe de 6 femmes, comme décrit plus haut.

  • Les défis intergénérationnels de cuisine ont pour but une mise en pratique des connaissances acquises au cours des formations. Comme pour les ateliers « formation », les habitants participent à la co-construction des défis, au choix des sujets des défis, des modalités (nombre de défis, noms, contenus, jury) et de l’organisation logistique (courses, moyens humains et matériels).

Impact de la situation sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19

Les dernières séances communales de co-construction se sont déroulées à la veille du premier confinement de mars 2020.
Une démobilisation des habitants s’est faite sentir, dans un climat anxiogène (les habitants se rendaient très peu dans les associations et les structures de proximité). Pour autant, il était impératif pour les professionnels de maintenir le lien avec les habitants engagés « Il ne faut pas qu'on mette en suspend complètement le projet. ». Afin de garder une dynamique et maintenir l’engagement des habitants, le Pôle de ressources a créé successivement une page Facebook, un groupe WhatsApp et un compte Instagram. Ces réseaux sociaux ont permis de garder le lien, d’interagir avec les habitants et de leur donner de l’information sur le projet mais également sur la crise sanitaire.

  • La page Facebook Coopérative d’acteurs nutrition 95 est animée par un comité de rédaction composé de « personnes relais », de coordinateurs CLS, du Pôle  ressources et de la DDARS95, qui définissent ensemble le contenu de la page. Toutes les deux semaines, en visioconférence, le comité de rédaction valide le contenu de la page et le calendrier de publication, à raison d’un post par jour.
  • Le groupe WhatsApp permet de relayer des informations sur le projet et les contenus de la page Facebook auprès de toutes les « personnes relais » des 5 villes. Il existe par ailleurs des groupes WhatsApp dans chaque ville, entre les « personnes relais » et les habitants. Il s’agit d’un outil qui facilite la mobilisation, notamment pour inciter à la participation aux défis, aux partages de reproduction de recettes, etc… Il permet également de faire remonter les besoins et envies des habitants.

Calendrier de la démarche participative

 
La vision du projet selon les habitants de Garges-lès-Gonesse

Pour le groupe de parents, la perception du problème en matière de nutrition concerne tout autant les comportements individuels que l’environnement. Il existe en effet, peu d’offres sur le territoire pour manger sainement. « Quand on veut bien manger ici il n’y a que des kebabs, des frites, des trucs gras ». Les enfants ne connaissent pas les différents produits, ni comment on les cultive « un enfant a voulu planter des carottes râpées c’était trop mignon »
Pour eux, les objectifs du projet étaient d’aborder l’équilibre alimentaire, l’activité sportive et la lutte contre le gaspillage.
« Il y a beaucoup de choses à changer dans les habitudes des habitants, déjà, que les enfants mangent le petit déjeuner, le matin, pour que le goûter ce n’est pas que les gâteaux industriels, pour qu’à midi, ils ne mangent pas au Pacha, un petit hamburger frites. Et que, plutôt, ce soit des légumes. Et aussi, pour qu’ils se rappellent que le sport est important dans tout ça, qu’avec les restes alimentaires, d’ailleurs, on peut faire un autre plat pour demain. Qu’il n’y a pas de gaspillage nutritionnel, non plus. »

Ainsi, la dimension de l’environnement et l’accès à une nourriture saine sur le territoire est un objectif particulièrement important pour les habitants. « On a essayé de rentrer TOUT dans le projet ! Et on a réussi. Il nous reste, exactement, la dernière partie à faire. Et à cuisiner avec les restes alimentaires, faire préparer un repas et faire du sport, en même temps »

 

Objectifs de la démarche participative

  • Promouvoir la nutrition en incitant l’implication des parents/habitants lors des interventions, afin donner la possibilité à chacun de s’interroger et de se réapproprier ses pratiques alimentaires et physiques
  • Partir des besoins des habitants pour mettre en place des actions au plus près de leurs attentes et envies.

Modalités d'action du projet (Selon les 5 domaines de la promotion de la santé - Charte d'Ottawa) :

Ce schéma classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :

  • selon les axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
  • selon les publics concernés par chacune des actions

Quelques points notables du projet et de la démarche participative / Eléménts saillants

Principaux acteurs et partenaires

Le projet de co-construction est un projet multi-partenarial, encadré et formalisé par des conventions de financement entre la DDARS95 et le Pôle Ressources, et avec les intervenants prestataires. Une feuille de route encadre les rôles et les missions de chaque partenaire du projet.

Mobilisation du public

La participation est au cœur de la démarche « coopérative d’acteurs en promotion de la santé ». Bien que la mise en œuvre soit difficile, la participation des habitants fait partie intégrante de la définition d’une coopérative d’acteurs, et ce, aux différentes phases des projets de santé. Selon le cadre défini par l’ARS, la coopérative d’acteurs est une action de proximité en promotion de la santé, au plus près des lieux de vie des personnes concernées, par la mise en place d’alliances et de partenariats intersectoriels et en impliquant les habitants.

Compétences mobilisées pour favoriser la participation

L’équipe du Pôle ressources est formée sur les méthodes d’animation et d’intelligence collective. Il s’agit de techniques d’animation de groupe qui ont pour objectifs de faire émerger des idées, faire réfléchir, développer l’esprit critique, croiser des expériences… Débat mouvant, utilisation d’un paper-board, brainstorming… toutes ces techniques d’animation sont autant d’outils pour encourager la participation et la créativité, faciliter la prise de parole publique, croiser les savoirs et monter en généralité7 . Les habitants ne parlent plus seulement pour eux-mêmes, mais au nom du collectif.

Dans le cadre de ce projet de co-construction, l’équipe du Pôle ressources s’est également formée à l’évaluation de la participation et notamment à la construction d’un référentiel d’évaluation.

Adaptation du projet au contexte de chaque ville

Bien que le projet soit d’ampleur intercommunale, les séances communales de co-construction et les ateliers « formations » s’organisent selon un fonctionnement propre à chaque ville. Habituellement, ce sont les « personnes relais » ou les coordinateurs CLS qui font le lien avec les habitants, pour les mobiliser. Dans le contexte sanitaire, dans certaines villes, le Pôle ressources a animé les ateliers directement avec les habitants, sans la présence  des « personnes relais » et des coordinateurs CLS.  

Niveaux de participation et environnement

Différents niveaux de participation de la démarche, selon le modèle de l’échelle de la participation de Sherry Arnstein, 2006.

La démarche est participative à plusieurs niveaux, selon les différentes actions et leurs objectifs.

 
La participation selon les habitantes relais de Garges-lès-Gonesse

Une définition de la participation : « Des fois on parle beaucoup de les « eux », les « ils » [les habitants], ils parlent de nous, mais ils ne nous intègrent pas dans les projets. Les élus aussi ils parlent de nous ils font des projets pour nous mais sans nous consulter nous. Là on avait l’impression de vraiment participer à part entière du projet.
Une définition de la co-construction : « C’était vraiment vers l’échange. On s’est mis vraiment sur le même pied, qu’importe d’où on venait… Est-ce qu’on était des ARS, vraiment au top de l’échelle ou on était une simple habitante ? On était au même niveau. On a parlé sur le même niveau. Aucune parole n’était posée comme plus importante que l’autre. »

 

Empowerment favorisé par la démarche

En promotion de la santé, la participation est un facteur d'empowerment des personnes à un niveau collectif et individuel. Associer les populations à la conception et la mise en œuvre d’une action de promotion de la santé est un facteur d’efficacité des interventions, notamment pour les personnes présentant un risque d’exclusion sociale et de perte de pouvoir sur leur santé (les personnes en situation de pauvreté, les jeunes, les femmes, les patients…). [OMS, 2006]

Voir la rubrique Enjeux du Dossier Participation

 

Comment la démarche a-t-elle renforcé l’empowerment, d’après les habitantes relais de Garges-lès-Gonesse ?
  • Monter en compétences pour être crédibles
    • Acquisition de connaissances sur la nutrition : le groupe d’habitants investi dans le projet en a accepté le principe à la condition au préalable de son implication dans l’organisation, et de l’acquisition de connaissances sur le sujet. C’est pour acquérir ces connaissances et les partager avec d’autres que les ateliers « formations » sont nés.
      « On s’est dit : si on fait juste un grand projet, un grand jeu avec le sport et la cuisine intergénérations, d’accord, c’est faisable, MAIS, pourquoi pas éduquer les gens avant ? Voilà ! C’était comme ça. Et c’est comme ça qu’on a mis en place les ateliers ; c’était des ateliers formations, si vous voulez. Pour rendre, aussi, crédible le projet, on s’est dit : déjà, il faudrait s’y connaître un minimum pour pouvoir amener vers, justement, ce grand projet vers la fin, celui qu’on n’a pas lancé, encore : il y a nutrition et pourquoi… pourquoi il faut ceci, pourquoi… faire la cuisine, c’est quoi… Etc. ». La co-construction et la participation au comité de pilotage ont permis aux habitantes relais d’acquérir des connaissances sur la nutrition.
    • Acquisition de connaissances sur la méthodologie de projet, l’animation de réunion, la communication avec les familles. Les méthodes d’animation utilisées et la posture de l’animatrice dans le cadre des réunions ont aussi engendré une montée en compétence sur l’élaboration et la gestion d’un projet, qui augmentent le sentiment de légitimité et peuvent ensuite être mobilisées dans le cadre professionnel ou pour de nouveaux projets.
      « On a sûrement appris beaucoup, vraiment, sur les réunions… Et même, pas seulement sur les formations, les ateliers qu’on a faits, mais vraiment les réunions, elles-mêmes, ça nous a appris un petit peu plus, de notre côté professionnel, je trouve : comment faire une réunion de groupe, comment on construit un projet ». « La semaine prochaine, je vais me former sur comment animer un groupe de travail ».
  • Renforcement de l’estime de soi
    La dimension participative a engendré un changement d’image des habitants pour les professionnels. Les représentations qu’avaient les professionnels ont été discutées. « Je ne pensais pas qu’on avait vraiment cette image de nous des fois » « X nous disait on a tous des a priori par rapport aux banlieues mais le fait de vous avoir rencontrées, d’être venue sur place en tout cas cela prouve qu’il y a des gens bien … »
    « Ce que j’ai trouvé intéressant c’est qu’on parle de nous tout en nous intégrant aux réunions : c’était une fierté pour moi »
  • Renforcement de l’autonomie
    La participation au COPIL incluait la rédaction de documents par les habitantes : comptes-rendus… « Ce n’était pas elle qui écrivait tout, c’était vraiment… Elle nous a tout simplement laissé être nous-mêmes et faire à notre façon, en, quand même, nous dirigeant dans notre direction ».

 

Les habitants ont également une place au sein du comité de pilotage de la coopérative d’acteurs. En général, ils sont représentés par les « personnes relais » et les coordinateurs CLS. Mais ceux-ci peuvent aussi venir accompagnés d’habitants, selon leurs disponibilités. Au cours des réunions de Copil, s’il y a des décisions à prendre, les habitants présents y prennent part. Par exemple, à un des Copils « il y avait tous les coordinateurs qui étaient présents et on a identifié des habitants un peu plus actifs que d'autres qui étaient un peu les porte-parole, qui n'ont pas de qualifications, qui n'ont pas de professions liées à la santé et qui, juste étaient un peu plus actifs, un peu plus volontaires, qu'on a identifiés comme pas leaders mais comme "impulseurs" ».

Par ailleurs, en novembre 2019, l’ARS Ile-de-France a organisé une journée régionale d’étude francilienne sur la participation des Habitants-Usagers-Citoyens (HUC) au sein des coopératives d’acteurs en promotion de la santé. Le Copil de la coopérative d’acteurs nutrition du Val d’Oise a invité 2 habitantes « porte-parole », particulièrement engagées, à participer au programme de cette journée et présenter avec les professionnels la démarche de la coopérative d’acteurs. A cette occasion, elles ont expliqué avec leurs propres mots, ce qu’elles pensent de la coopérative d’acteurs, leurs expériences et les raisons de leurs implications.

Comment s'approprier certains éléments du programme

Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire

Difficultés des professionnels à mobiliser les publics

Complexité de la mobilisation. Comme souvent, les acteurs rencontrent des difficultés à recruter des habitants ou à maintenir la mobilisation sur le long terme : les habitants déménagent ou ne sont plus disponibles, les priorités changent, etc.
Dans le cadre scolaire, les professionnels éprouvent les mêmes difficultés. Il s’agit très souvent d’un même petit nombre de parents très investis qui s’engagent.
Par ailleurs, la grande majorité des habitants mobilisés sont des femmes, la coopérative d’acteurs peinant à recruter des hommes.

Les leviers pour mobiliser les habitants : réseaux sociaux, conditions d’accueil, convivialité, posture des animateurs, communication à différents niveaux…

Voir le paragraphe consacré aux leviers de mobilisation – page 13

Impact de la crise sanitaire et des mesures politiques

Temps important consacré à d’autres sujets que la nutrition. Au vu du contexte sanitaire, le besoin de communiquer et de lutter contre l’isolement social est devenu très important. La nutrition n’était plus une priorité. Le climat d’inquiétude et d’anxiété a encouragé les professionnels à se recentrer sur la Covid-19 et à prendre des nouvelles des habitants et de leurs proches, à répondre à leurs besoins et à les informer. Les professionnels, notamment les 2 services civiques, n’étaient pas préparés à cette situation.

Les professionnels se sont adaptés et ont essayé de comprendre les réalités de terrain.
Pour les 2 volontaires en service civique, cela est devenu une expérience enrichissante. Malgré le fait qu’elles se soient senties impuissantes dans certaines situations, l’enjeu a été de garder le lien, de rester à l’écoute et de poster du contenu.
A la DDARS95, une stagiaire en master II nutrition humaine et santé publique a été recrutée pendant la crise sanitaire et a appuyé à distance le Pôle Ressources.

Le groupe WhatsApp et la page Facebook ont permis de garder le lien et de répondre aux inquiétudes des habitants. Cela a permis de rester au plus près du terrain malgré l’impossibilité d’être proche physiquement.

Priorités des professionnels sur les missions relatives à la gestion de la crise sanitaire. Les coordinateurs CLS et les « personnes relais » ont fortement été mobilisés sur les questions de la crise sanitaire (dépistage et vaccination). Une association communautaire à Villiers le Bel, missionnée par l’ARS, a été contrainte de se désengager de la démarche. L’indisponibilité des « personnes relais » et des coordinateurs CLS a impacté directement la mobilisation des habitants, ainsi que la participation aux instances et comités de rédaction.Pour pallier le départ de l’association communautaire à Villiers le Bel, la coopérative d’acteurs s’est appuyée sur d’autres structures locales pour prendre le rôle de relais de mobilisation.
La durée des réunions et leurs fréquences ont été réduites pour alléger les emplois du temps des associations et des coordinateurs CLS.
Organisation complexe des ateliers « formation ». Les mesures sanitaires de restriction (confinement, couvre-feu, limitation de rassemblements…) ont limité la participation aux ateliers.  Pendant les périodes de restriction, le format ateliers « formation » a dû être adapté. Certains ateliers cuisine ont été animés en « semi-distanciel ». L’intervenante dans les structures (maison de quartier et centre socio-culturel) a animé des ateliers filmés et diffusés auprès des habitants, qui préparaient les plats de chez eux après avoir récupéré les ingrédients dans les structures. Néanmoins les ateliers ont mieux fonctionné en présentiel, en dehors du contexte d’isolement.

Temps important de la « coordination de coordination »

Plus le nombre d’intermédiaires de coordination est important dans le projet, plus la démarche prend du temps. Dans cette démarche, les coordinateurs intermédiaires sont les intervenants prestataires, les « personnes relais », les associations locales, les coordinateurs CLS… Malgré le temps important de coordination, le rôle des différents coordinateurs est facilitant pour faire le lien entre les acteurs. Les différents niveaux de coordination sont nécessaires pour un projet qui rassemble autant d’acteurs.

Changements dans l’équipe

Turn-over des services civiques. La durée des missions de service civique est courte (7 à 8 mois). Les 2 volontaires en service civique du Pôle ressources ont assisté à l’ensemble des ateliers « formation », ont créé du lien avec les habitants et ont une vision globale de la participation des habitants aux ateliers. 2 autres personnes ont pris la relève mais en repartant de zéro.

 Une personne stagiaire appuie le pilotage et la coordination de la chargée de mission de la DDARS95, et assure une continuité dans le suivi de la démarche.

Les deux anciennes volontaires ont facilité la passation (transmission de fiches conseils, de protocoles logistique pour le suivi et l’organisation des ateliers formations…)

Changement de chargée de mission. La personne du Pôle ressources chargée de l’organisation et l’animation de l’étude Focus group est partie et a été remplacée. Lorsque le projet repose en grande partie sur un seul professionnel, son départ peut compromettre la dynamique de la démarche.  

Le livrable de l’étude Focus group, réalisé par la première chargée de mission, a permis de garder une trace du contexte de la démarche participative, la méthodologie, les résultats de l’étude et les pistes d’actions. Ce document synthétique a facilité la passation à la nouvelle chargée de mission.

Il y a eu un temps de passation entre l’ancienne et la nouvelle chargée de mission et la coordinatrice au sein de la DDARS95 et le directeur du Pôle Ressources ont également facilité la prise en mains du projet par la nouvelle chargée de mission.

Barrière de la langue

Certains habitants ne parlent pas et/ou ne lisent pas le français. La barrière de la langue peut être un frein à la participation des personnes non francophones et au remplissage des questionnaires d’évaluation.Les professionnels s’adaptent au niveau de français du groupe. L’oral et les supports visuels (photolangage) sont privilégiés lors des ateliers « formation ». Les professionnels s’appuient également sur des « personnes relais » et des habitants qui maitrisent plusieurs langues étrangères. Une entraide se met en place entre pairs.
Les réseaux sociaux, notamment WhatsApp, permettent de s’adresser à un grand nombre de personnes, déjà utilisés quotidiennement par de nombreux habitants et professionnels. Attention toutefois aux personnes qui ne maitrisent pas forcément les outils numériques et les réseaux sociaux ou qui ont des problèmes de connexion.

Leviers de réussite, pour favoriser la participation

S’appuyer sur différents leviers pour favoriser la mobilisation des habitants

  • Utiliser des réseaux sociaux pour garder le lien. La gestion des réseaux sociaux par le comité de rédaction a été une des actions phares du projet de co-construction dans le contexte des confinements. Ce sont des outils facilitant la mobilisation par le biais de la communication, la valorisation du projet de co-construction et le partage d’astuces et d’initiatives en lien avec l’alimentation et l’activité physique, ou encore de messages de prévention et de promotion de la santé. Ces outils permettent également de garder un lien étroit avec les habitants et de créer de l’interaction entre eux.
  • Créer des conditions d’accueil, de rencontre et de convivialité, et lieux et horaires adaptés. Focus group le samedi soir pour toucher le plus de personnes possible (actifs ou non), séances communales de 9h30 à 11h30 quand les enfants sont à l’école, transport collectif pour la séance intercommunale afin de réunir tous les parents au sein d’un seul lieu.
    • Temps d’inclusion / jeu ludique autour de la thématique pour démarrer les ateliers de co-construction
    • Favoriser un climat de convivialité lors des moments de rencontres : boissons, cafés et thés, gâteaux. Ces attentions ont pour but de rendre le moment moins « sérieux » et d’insister sur le moment d’échanges et de discussion. « Donner un goût de : j’y reviens, j'aime bien ce qui se passe et je reviens ». Un repas convivial est par ailleurs prévu à la suite des deux défis intergénérationnels de cuisine dans chaque ville, à la demande des élus.
    • Posture d’écoute active, notamment lors des échanges interpersonnels entre professionnels et habitants, qui sont devenus moins formels du fait de la crise sanitaire. Et les acteurs tiennent compte de l'altérité, des différences culturelles, sociales et économiques de chacun.
 
Les habitantes de Garges-lès-Gonesse reconnaissent cette posture et l’impact que cela a eu sur les relations et échanges.

Elles reconnaissent notamment :

  • Les compétences de l’animateur : une capacité à la communication et à la gestion d’un groupe mixte : « elle sait parler, comment ne pas brusquer quelqu’un »
  • Des capacités d’écoute et de reformulation fidèle des paroles des habitants « elle était en retrait, elle nous laissait beaucoup nous exprimer et relayait les infos authentiquement »
  • L’implication dans les actions de la personne en charge de la coordination du projet : « ce qui était bien c’est qu’elle était là à chaque atelier »
  • La capacité à changer d’orientation dans le projet : « même en réunion, quand on leur a dit, ils se sont dit : Ah, c’est vrai, c’est pas bête, c’est vrai qu’ils ont des origines, ils ont une culture, ils ont une histoire. Donc, il faut y penser, il ne faudrait pas les brusquer, leur dire : « écoutez… les chips à la sortie de l’école, c’est pas bien, mais… »  « On ne vient pas pour lui dire : « tiêp, c’est pas bon, il y a trop d’huile, il faut arrêter de le manger ». « on va revisiter le tiêp ».

 

  • S’appuyer sur un « noyau participatif ». Depuis la réalisation de l’étude Focus group en 2019, il y a eu des changements parmi les habitants mobilisés. Mais, dans chaque ville, il y a un noyau de personnes qui reste engagé sur le projet de co-construction. La mobilisation des habitants passe également par le bouche-à-oreille, ils se motivent les uns les autres pour venir aux séances communales.
  • Créer et maintenir la dynamique du projet. La dynamique du projet est un enjeu pour la mobilisation des habitants. La DDARS95 et le Pôle ressources ont tenu à garder la dynamique, même en période de crise sanitaire, pour maintenir l’engagement le plus possible. Par exemple, le projet de co-construction a démarré rapidement après la restitution de l’étude Focus group, et le lien a été maintenu, notamment au travers des réseaux sociaux.
  • Communication. Communiquer sur la démarche (réseaux sociaux, par le biais des « personnes relais » et des coordinateurs CLS, bouche à oreille entre les habitants) permet d’informer les habitants et les acteurs, de créer et garder une dynamique de groupe, et de faire connaître et valoriser la démarche auprès des habitants bénéficiaires des actions.

 

Un bémol est toutefois souligné par les habitantes de Garges-lès-Gonesse. L’implication des membres du groupe dans la communication sur le projet et la mobilisation des familles : le téléphone, seule stratégie efficace ?

Les habitants relais ont occupé une place centrale dans la communication et la mobilisation des autres habitants. Selon eux, les affichages municipaux, les mails ou les réseaux sociaux se sont avérés peu efficaces. Ce sont les contacts directs qui ont permis la mobilisation des habitants du quartier : « j’ai appelé tout le monde. ». Ces contacts ont été facilités par la multiplicité des fonctions et la bonne connaissance d’environnement différents des habitantes relais.

 

Adaptabilité et flexibilité du projet. Le projet a été réajusté grâce au recueil des besoins et des attentes des habitants : retour sur les actions menées et leurs envies (questionnaire de satisfaction), discussions informelles, observations des instances et des acteurs de terrain, à toutes les étapes du projet.

S’appuyer sur un large réseau d’acteurs locaux

  • Rôle des « personnes relais » (habitants très impliqués, salariés ou bénévoles d’espaces de vie dans les quartiers – associations, centres sociaux…) : levier de mobilisation et représentation des habitants. Les « personnes relais » sont des personnes ressources pour les habitants et les professionnels, jouant un rôle important dans les liens de confiance établis avec les habitants et facilitant leur mobilisation.  Ils les connaissent bien, échangent avec eux quotidiennement, connaissent leurs besoins et problèmes, et les accompagnent dans leurs démarches, parfois depuis des années. De par ces liens de proximité avec les habitants, les « personnes relais » peuvent prendre une posture de représentants des habitants.
  • Rôle des coordinateurs CLS. Formés en santé publique, les coordinateurs CLS jouent un rôle important dans l’implication des habitants et la mise en place de projets : pour faire le lien entre les associations et les acteurs de terrain, gérer la logistique, trouver des lieux de rencontre…. Par exemple, dans la ville de Sarcelles, l’arrivée en cours du projet d’un coordinateur CLS a été moteur sur la coopérative d’acteurs.
  • Rôle de la DDARS95. La chargée de mission a des compétences en méthodologie de santé publique qui lui permettent de piloter l'ensemble de la démarche. A cette fin, elle est amenée à définir et valider tout au long du projet ses orientations stratégiques et ses objectifs. Elle a une bonne connaissance des ressources du territoire et favorise ainsi l’interconnaissance et le maillage des acteurs. Elle propose un accompagnement aux partenaires via le partage d’outils communs, la mutualisation des bonnes pratiques et un suivi opérationnel et financier des actions.  

 

  • Selon les habitantes relais, le changement de posture des institutions a créé un environnement favorable à la participation : « moi je pense que c’est l’ARS qui a changé. Ils se sont dit, pourquoi ne pas aller à la rencontre des habitants ». Cela implique aussi que des représentants des ARS participent au groupe et « mettent en actes » cette volonté.
  • Place des habitants relais impliqués sur leur territoire. Les habitantes relais sont souvent « multi casquettes. » Ainsi à Garges-lès-Gonesse, plusieurs membres du groupe de parents cumulent différentes fonctions : bénévoles associatives ou salariées au sein des établissements scolaires, femmes relais, parents délégués, etc. Cette multiplicité des rôles sur le territoire facilite le lien avec d’autres habitants dans des contextes différents, permettant ainsi d’entrer en contact avec des familles, des personnes âgées … L’accumulation de ces fonctions facilite d’autant plus l’implication dans des démarches impliquant une collaboration avec les professionnels et les institutions.

Une des habitantes, occupant plusieurs de ces fonctions s’est particulièrement mobilisée et a pris en charge une partie de la coordination du projet ainsi que la participation au comité de pilotage.
« Moi, je suis bénévole depuis trois ans, maintenant. Et après, moi, je suis AESH dans une école. Et là, je suis sur l’aide aux devoirs, le soir. C’est pour ça que je suis rentrée un peu plus… ».

 

  • Rôle du Pôle ressources. L’équipe coordonne le projet de co-construction, met en lien les acteurs du territoire, et notamment ceux engagés sur les questions d’alimentation. Elle a des compétences en terme de gestion de projet, de coordination et d’animation participative de groupe de travail (à travers l’utilisation de méthodes d’intelligence collective).  

Évaluation et principaux enseignements

Évaluation du projet et de la participation

En amont de la mise en place du projet de co-construction, la DDARS95 et le Pôle ressources Ville et développement social ont engagé un travail d’évaluation du projet et d’évaluation de la participation.

Évaluation de la démarche8   

  • La satisfaction des participants aux ateliers « formation » est mesurée par un questionnaire. Il mesure si les habitants reproduisent les recettes chez eux et à quelle fréquence, les thématiques les plus appréciées, les choses à améliorer…
    Selon les retours des professionnels, les habitants qui participent aux ateliers « formation » sont satisfaits et en demande de progresser sur ces questions. « On a vu des habitants qui étaient très satisfaits de ces formations, qui étaient très en demande, aussi, d’en savoir plus au niveau de la nutrition, au niveau de la cuisine, au niveau du jardinage ». « On a aussi eu des retours des gens qui demandaient encore plus de formations surtout, dû à la crise de la Covid. Ça a fait un lien entre les habitants, entre les porteurs de projets, et on avait l'impression que ça les soulageait, ça les faisait sortir, apprendre des choses, etc. ».
  • Le changement déclaré de comportement alimentaire et de pratique d’activité physique est mesuré par un questionnaire « avant-après ». Un questionnaire à T0 a été soumis aux habitants participant aux ateliers « formation ». Un questionnaire à T1 et T2 sera proposé aux participants à la fin des ateliers.
    Bien que le questionnaire T1 ne soit pas encore réalisé [au moment de l’entretien], les professionnels ont des témoignages de parents qui ont constaté des petits changements de comportements alimentaires. « On a eu pas mal de retours de changements, d’habitants qui ont changé leurs habitudes. Ils font attention avec le sel, ils font attention avec le sucre. Il y a pas mal de petites habitudes qui ont changé, des personnes qui se sont familiarisées avec tout ce qui était un peu jardinage ».
  • Les professionnels partagent également le témoignage de parents qui perçoivent un renforcement des liens parents/enfants. « Le fait qu'il y ait des ateliers qui se passent entre parents et enfants, ça crée des nouvelles habitudes entre eux au sein de leur foyer, de cuisiner ensemble, de prendre plaisir à cuisiner ».

L’équipe du Pôle ressources travaille sur la réalisation d’un référentiel d’évaluation de la participation.

Dès qu’il sera finalisé et validé collectivement avec tous les membres de la coopérative d’acteurs, le référentiel aura vocation à être partagé aux instances du territoire qui mettent en place des actions participatives.

Le projet a également initié une nouvelle dynamique avec les acteurs.

Parmi les acteurs locaux de la coopérative d’acteurs, la démarche participative a impulsé de nouveaux projets plus locaux. Les structures ont récupéré les coordonnées des intervenants prestataires des ateliers « formation » pour mettre en place d’autres actions. Par exemple, dans la ville de Sarcelles, un jardin partagé va être développé à la suite des ateliers jardinage.

Points de vigilance pour s’appuyer sur un groupe relais, identifiés par les habitants de Garges-lès-Gonesse

 

Le sentiment d’obligation à participer des membres du groupe

La sollicitation pouvant entrainer une perte de sens de l’engagement initial, en l’occurrence l’investissement dans le programme de réussite éducative, ainsi qu’une « concurrence » entre les projets du territoire. « D’ailleurs, ça nous avait peut-être posé, même, des petits problèmes au niveau du PRE, parce que le PRE, ils avaient peur, parce que comme on est bénévoles, en tant que parents relais, au Programme de Réussite Educative, elle me dit : « moi, ce qui me fait peur, c’est qu’on vous accapare, des fois, pour des projets, et qu’ils ne soient pas légitimes, en fait. Accaparer des bénévoles parce que c’est des bénévoles, mais, voilà, vous n’avez pas, non plus, tout le temps du temps libre et on vous sollicite pas mal. Donc, moi, j’ai peur qu’on fasse de la récupération comme ça et que, derrière… » « Et on a bien expliqué que non, ça nous tenait, nous, à cœur et c’est la raison pour laquelle, nous, on a continué, en fait »
« Oui, voilà, on sort un peu de l’objectif principal qu’on s’était mis en tant que parents relais, avec le programme de réussite éducative. Et du coup, ils se sont dit : bon, là, ils font de la récup, est-ce que ce n’est pas inquiétant ? Donc, oui, oui, ils se sont inquiétés ».

 

Perspectives

Pour la suite du projet, un volet activité physique (initiation vélo, défis activités physiques) sera développé en co-construction fin 2021, comme le souhaitent les habitants et pour répondre aux recommandations nutritionnelles en combinant des actions sur l’alimentation et l’activité physique. Ainsi, qu’un volet « Plaidoyer auprès des élus » consistant à la présentation du dispositif et à la restitution des idées/propositions d’actions des habitants.
Pour réaliser une co-construction « épisode 2 », la DDARS95 et le Pôle ressources vont poursuivre leurs réflexions sur un bilan et une enquête concernant le changement constaté et déclaré par les habitants (à T1 et T2). Il est important de savoir si le projet « part dans la bonne direction et que ce ne soit pas contre-productif ».

 

Pour les habitantes relais de Garges-lès-Gonesse, des points de vigilance ont été énoncés, sur la nécessité de bien penser la fin du projet

Le projet a duré 3 années, il s’est donc inscrit dans la durée. Mais pas suffisamment pour les habitantes qui évoquent un sentiment d’abandon à la fin de celui-ci. Et, ce d’autant plus que le groupe était prêt à poursuivre son investissement.  « C’était bien de penser à nous, les habitants de la ville, mais je pense que pour pouvoir mener à bien ces projets, … En tout cas, que ce soit ancré… moi, je pense que ce n’est pas sur une séquence que ça va être ancré dans la tête des gens. Il faudrait le renouveler, peut-être. Je ne sais pas… chaque année… quand même, si je sais que ça demande beaucoup de boulot derrière. Mais en tout cas, pour que ce soit ancré, il ne faut pas laisser les gens, après, sur le bord de la route et leur dire : ‘bon, ben, ça y est, on vous a fait un petit projet nutrition, et puis là…’ »

Groupe de personnes débattant

Dossier Participation des habitants-usagers-citoyens

Notes:

  • 1 . Voir les facteurs d’efficacité dans le Dossier Comprendre & Agir consacré à la nutrition, PromoSanté IdF, 2018
  • 2 . La méthode des focus groups (groupes focalisés) est une méthode qualitative de recueil des données. Il s’agit d’une technique d’entretien de groupe, un groupe de discussion semi-structuré, modéré par un animateur neutre en présence d’un observateur, qui a pour but de collecter des informations sur un nombre limité de questions définies à l’avance. Centre de recherche Spiral de Liège
  • 3 . Méthode de production d’intelligence collective qui facilite une prise de parole publique, sous forme de débat dynamique qui favorise la participation.
  • 4 . Projet d’intervention probante qui a pour objectif d’améliorer l’équilibre alimentaire et la qualité nutritionnelle des aliments en favorisant des achats sans coût supplémentaire dans une population défavorisée.
  • 5 . Le terme « formation » est utilisé dans ce projet pour désigner des ateliers de sensibilisation sur les pratiques culinaires, la nutrition et le jardinage. Il s’agit d’un terme choisi par les habitants.
  • 6 . Le brainstorming est une technique d'animation ayant pour but de générer de nouvelles idées.
  • 7 . Dans le texte, Les Savoirs des personnes concernées, Olivia Gross explique comment l’élaboration collective des savoirs permet une montée en généralité des savoirs.
  • 8 . Au moment de l’entretien (juin 2021), l’évaluation n’était pas terminée. Mais les résultats sont aujourd’hui disponibles.