« Promotion de la nutrition auprès des Gentilléens »
Ce récit d'expérience est réalisé sur la base d’un entretien de capitalisation conduit en juin 2017 avec : Céline Nossereau, responsable Service Santé à la Mutualité Française IdF, Loïc Russo, chef de projets à la Mutualité Française IdF et Zékya Ulmer, chargée de mission pilotage réseau à la Fédération nationale de la Mutualité Française. (contact : a.ba@ville-gentilly.fr)
Principes de la démarche de capitalisation
Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).
Le Centre Municipal de Santé (CMS) de la ville de Gentilly joue un rôle majeur pour lutter contre la prévalence de diabète élevée chez les habitants la commune. Il participe notamment à une démarche globale en matière de nutrition (diététique et activité physique) visant à prévenir des maladies chroniques, qui comprend des actions d’éducation thérapeutique du patient avec un volet nutrition, auprès de patients atteints de ces pathologies. Cet accompagnement est complémentaire du programme « Réadaptation à l’activité physique » pour les malades chroniques.
Intervention | Promotion de la nutrition auprès des Gentilléens (diététique et activité physique) |
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Porteurs | Service de prévention et de promotion de la santé de la ville de Gentilly |
Thématiques | Activités physiques et sportives, Alimentation, Maladies chroniques |
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Population cible | Adultes atteints de pathologie chronique, adultes diabétiques ou à risque, enfants et jeunes, retraités, grand public |
Calendrier | Depuis 1934 |
Milieu d'intervention | Centres de santé, Quartier prioritaire de la ville, Rural, Structure municipale |
Territoire concernée | Commune de Gentilly (94), dont 2 quartiers en politique de la ville (QPV) et 3 quartiers en veille active (QVA) |
Principaux partenaires | Agence régionale de santé IdF (ARS), Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET), Commune de Gentilly, Politique de la ville de Gentilly (ASV), Revesdiab, diététicienne référente sur le programme (sauf cible diabétiques), kinésithérapeute préparateur sportif, services municipaux (sports, scolaire, retraités…) |
Équipe sur le programme | Médecin Directrice de la Santé, Coordinateur du Contrat Local de Santé (référent Atelier santé ville - ASV) |
Objectifs |
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Sigles utiles :
- ASV : Atelier Santé Ville
- CLS : Contrat Local de Santé
- CMS : Centre Municipal de Santé
- RAP : Réadaptation à l’Activité Physique
Contexte et enjeux
La santé et plus spécifiquement la prévention est historiquement un enjeu pour les pouvoirs publics de Gentilly, avec un dispensaire créé depuis 1934 qui s’est transformé en Centre Municipal de Santé (CMS), « alors que d’autres communes ont abandonné ce type de structures » d’après le Médecin Directrice de la santé. Le centre de santé a un rôle majeur dans cette commune du Val-de-Marne où le taux de personnes en situation de précarité est important (indice de développement humain IDH-2 de 0.49), et par voie de conséquence les problèmes de santé nombreux.
Plus particulièrement, le taux de prévalence du diabète est élevé sur Gentilly. Sa prévention constitue un enjeu majeur et fait l’objet d’actions depuis de nombreuses années, compte tenu du « coût social, humain et économique de cette pathologie », et ce notamment pour les personnes les plus précaires qui sont les publics majoritaires du centre municipal de santé.
L’Atelier Santé Ville a, par exemple, été novateur il y a plus de 10 ans, en mettant en place bien avant le décret « Sport sur ordonnance » un programme de Réadaptation à l’Activité Physique (RAP) pour les patients atteints de maladie chronique, couplé à des interventions sur la diététique.
Ce programme phare a été complété progressivement par une offre plus globale en matière de nutrition, visant d’une part la prévention des maladies chroniques et en particulier le diabète (sur différents publics), et d’autre part des actions d’éducation thérapeutique du patient incluant un volet nutrition, auprès de patients atteints de ces pathologies.
Enfin, dans une démarche visant à toujours mieux répondre aux besoins de tous les Gentilléens, un diagnostic territorial de santé a été conduit par la Direction santé en 2015, ayant amené à un Plan local de santé et à la contractualisation d’un Contrat Local de Santé en novembre 2016 et qui sera source de nouvelles actions dans les mois et années à venir.
Objectifs du programme « Promotion de la nutrition auprès des Gentilléens »
- Répondre aux enjeux sur le territoire en matière de nutrition concernant les deux volets complémentaires et indissociables, diététique et activité physique :
- Réduire la prévalence du diabète et des maladies chroniques par des actions globales de prévention, pour tous types de publics et notamment les publics jeunes et seniors ;
- Proposer un accompagnement aux personnes atteintes de pathologies (maladies chroniques et diabète).
- Constituer, via le Service de prévention et promotion de la santé et le Centre municipal de santé, un axe central de développement des actions nutrition sur le territoire, notamment auprès des publics les plus précaires afin de diminuer les inégalités sociales de santé.
- Faire le lien avec le corps médical, via l’orientation, la prescription médicale à l’activité physique, et l’incitation à effectuer un suivi avec leurs patients durant les programmes.
Modalités d’action (selon les 5 domaines de la promotion de la santé - Charte d’Ottawa) :
- Le schéma ci-dessous classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :
- selon les 5 axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
- selon les publics concernés par chacune des actions : bénéficiaires finaux (en vert) ou professionnels, élus, bénévoles (en jaune-orange) et tous publics (en gris).
Quelques points notables du programme…
- Volonté de proposer un accompagnement global : diététique et sensibilisation à l’activité physique. Complémentarité notamment dans le programme « Réadaptation à l’activité physique » pour les malades chroniques, avec des séances bi-hebdomadaires par un kinésithérapeute préparateur sportif, sur 6 mois renouvelables, suivi d’une orientation vers des associations sportives du secteur.
- Lien « à double sens » institué avec le corps médical (généralistes et cardiologues) concernant les maladies chroniques et plus spécifiquement le diabète. D’une part avec une orientation vers l’offre du CMS (et certificat médical pour l’activité physique). Et d’autre part via un suivi individualisé par les équipes pluridisciplinaires du CMS, concrétisé par des comptes-rendus réguliers envoyés aux médecins. [Médecin Directrice de la santé] : « C’est une grande chance, car on se retrouve souvent devant des patients qui ont une nécessité de reprendre une activité physique, et on explique pourquoi ce serait important sans vraiment pouvoir les accompagner dans cette reprise. »
- Actions tournées tout d’abord sur les quartiers prioritaires compte tenu de la typologie de la ville (2 quartiers en politique de la ville et 3 en veille active), avec l’appui de l’ASV et dans une optique de limitation des inégalités de santé. Poursuivant ce même objectif, toutes les actions sont gratuites pour les bénéficiaires, y compris les séances d’activité physique (alors que le décret « sport sur ordonnance » ne prévoit actuellement pas de remboursement, sauf par certaines mutuelles).
- Semaine du dépistage du diabète et des maladies rénales permettant d’identifier un nombre assez important de personnes ignorant leur diabète de type 2 (8% des dépistages en 2016 soit 9 personnes sur 116, environ 15% les années précédentes), sur la base du score Findrisc (score établi par l'Association Finlandaise du Diabète et recommandée par la Haute Autorité de Santé) utilisé par le réseau Revesdiab partenaire de cette action.
- Diagnostic territorial de santé partagé construit dans une démarche participative : questionnaires dans différents lieux, groupes de travail, réunions publiques… « On n’est pas partis sur des thématiques prédéfinies [...] On s’est appuyés sur les déterminants de santé, pour expliquer aux professionnels et à la population ce qu’on entendait par santé, on voulait qu’ils réfléchissent à leur santé de manière globale ». Par ailleurs, alors que souvent les enquêtes parviennent difficilement à toucher les populations en situation de précarité, cela ne semble pas être le cas ici car le score EPICES des participants (EPICES : Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examens de Santé), était faible.
Comment transposer au mieux ce programme ?
Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire
Concernant les séances d’activité physique (RAP), difficulté parfois pour motiver les patients à reprendre une activité, et les rendre suffisamment assidus. | ► | Plusieurs horaires proposés (journée, soir et samedi matin), appels téléphoniques si nécessaire pour remotiver et inciter à ne pas décrocher |
Orientation parfois difficile vers les associations sportives ‘classiques’, pour la plupart non formées au sport-santé, avec par conséquent certains bénéficiaires qui étaient plusieurs années dans le dispositif. « Difficultés pour trouver des passerelles adaptées pour continuer l’activité physique à la sortie, car tous les patients n’ont pas forcément la possibilité de le faire de manière autonome. » | ► | Limitation du programme à 6 mois (renouvelable une fois sous condition), assorti d’une vigilance du kinésithérapeute pour repérer les associations aptes à proposer des activités adaptées à chaque patient. Sous l’impulsion du service de prévention, mise en place notamment par la ville (Centre Communal d’Action Sociale - CCAS) d’un groupe de marche nordique (pour retraités en particulier) |
Ateliers diététiques en groupe : difficultés pour s’adapter au niveau hétérogène des différents participants, selon leur ancienneté dans la maladie, leur niveau de compréhension (lié à la langue notamment) … | ► | Constitution de groupes homogènes pour faciliter l’appropriation des messages |
Leviers de réussite pour la structure
- Le portage politique et la pérennité des financements « c’est le nerf de la guerre comme partout », que ce soit au niveau de la municipalité (financements et soutien logistique), ou du co-financement par l’ARS et les partenaires. Notamment, la Mairie de Gentilly est très sensibilisée sur cette question depuis de nombreuses années, même si ce ne sont pas des compétences obligatoires : « l’accès à la santé pour tous est quelque chose qui leur tient vraiment à cœur ».
- Une synergie entre les différents services municipaux :
- L’identification des agents du Service prévention et promotion de la santé, par les professionnels partenaires et les bénéficiaires, clé de réussite pour pérenniser les actions ;
- La mise en œuvre des actions par le Service prévention, partie intégrante avec le CMS de la Direction santé, favorisant ainsi l’orientation des patients par l’ensemble des professionnels du centre, et la communication en direction des publics ;
- L’appui d’autres services municipaux, qui ont bien conscience des enjeux et sont partie prenante de certains projets, car « le Service prévention ne peut pas tout porter tout seul, et ça n’a pas vraiment de sens car la santé c’est quelque chose qui existe dans tous les domaines ». Le diagnostic a notamment œuvré dans cette prise de conscience des différents services.
- Une diététicienne référente sur la quasi-totalité du dispositif, permettant à celle-ci d’être partie prenante et pas uniquement prestataire : logique globale de partenariat et de réflexion sur les spécificités des publics et les actions conduites par le Service prévention. Reconnaissance toutefois par le Médecin Directrice de la santé que dans d’autres situations, il pourrait y avoir des avantages à avoir plusieurs diététiciennes, en fonction de leurs spécialisations par exemple.
- Afin de toucher un large public en matière de promotion de la santé, intérêt de se greffer à des évènements organisés par d’autres services ou structures, pour lesquels apporter une intervention sur la nutrition peut avoir du sens (ex. Jeux du Val-de-Marne, l’Eté à Gentilly et la semaine du goût).
- Poursuite de la dynamique créée par le diagnostic territorial afin de faire émerger une dynamique santé au niveau de la ville et continuer à donner la parole aux habitants, pour leur faire prendre conscience des enjeux et de leurs propres besoins.
- Diagnostic territorial de santé et Plan local de santé de Gentilly
- Outil pour calculer le score Findrisc
- Outil de calcul du score EPICES
- Dossier d'information "Nutrition et santé" de l'Inserm
- L'activité physique est un médicament de prévention et de soin des maladies chroniques La santé en action, n°439, Santé publique France, mars 2017
- Décret "Sport sur ordonnance"
- Inégalités sociales de santé en lien avec l'alimentation et l'activité physique : une expertise collective de l'Inserm