Les déterminants environnementaux du comportement nutritionnel

Chantal Julia

Les inégalités sociales de santé sont particulièrement importantes justement du fait de ces déterminants environnementaux, qui vont jouer de façon plus importante chez certaines personnes que d’autres, et en particulier dans les populations défavorisées.

Chantal Julia
Médecin de santé publique, nutritionniste et enseignant chercheur au sein de l’Equipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN)

 

Qu’entend-on par « déterminants environnementaux » de la santé nutritionnelle ?

Ce qu’on appelle les déterminants environnementaux, c’est par opposition à tout ce qui dépend de l’individu. Ce qui dépend de l’individu c’est son niveau d’éducation, ce sont les choix alimentaires qu’il fait, ses propres préférences.

Ce qu’on appelle l’environnement en revanche, c’est tout ce qui est autour de lui et qu’il subit en quelque sorte. C’est-à-dire l’endroit où il vit, l’offre alimentaire qui lui est proposée au sein de son supermarché, la publicité alimentaire qu’il va recevoir dans les différents médias. Tout ceci fait partie de ce qu’on appelle l’environnement alimentaire.

Quels liens entre déterminants environnementaux et santé nutritionnelle ?

Ce qu’on a pu montrer c’est que tous les déterminants environnementaux jouent sur les choix individuels. C’est-à-dire que même si on fait attention à sa santé, et qu’on est préoccupé par sa santé pour ses choix alimentaires, ceux-ci sont néanmoins conditionnés par un certain nombre d’éléments de l’environnement.
En particulier 3 éléments sont importants.

  • Ce qu’on appelle le marketing alimentaire. La publicité alimentaire pour les produits fonctionne, c’est-à-dire qu’elle nous fait acheter les produits qui sont promus.
  • Deuxième élément, c’est l’offre alimentaire et les promotions que l’on voit sur les produits alimentaires, qui ont tendance aussi à modifier les achats alimentaires. Et c’est particulièrement vrai pour les populations les plus vulnérables pour lesquelles les promotions au prix sont importantes, dans le cadre de budgets qui sont serrés.
  • Et enfin, les éléments environnementaux dont ce qu’on appelle l’environnement bâti, joue sur la capacité des individus à effectuer de l’activité physique. C’est-à-dire s’il n’y a pas de trottoir dans l’environnement dans lequel vous habitez, il n’est pas possible de marcher tout simplement. Vous êtes obligés d’utiliser les transports. De la même manière, si le moindre magasin alimentaire se trouve à plusieurs kilomètres de votre domicile, vous êtes obligés d’utiliser des transports ou la voiture, et vous ne pouvez pas faire de l’activité physique pour vous rendre dans les différents lieux qui sont habituels pour vos activités. Donc, tous ces déterminants environnementaux jouent finalement sur les choix d’activité physique ou les choix alimentaires des individus.
Comment ne pas aggraver voire diminuer les inégalités sociales en matière de santé nutritionnelle ?

Les inégalités sociales de santé sont particulièrement importantes justement du fait de ces déterminants environnementaux, qui vont jouer de façon plus importante chez certaines personnes que d’autres, et en particulier dans les populations défavorisées.

Les politiques qui sont uniquement orientées sur les déterminants individuels des comportements alimentaires ont tendance à aggraver les inégalités sociales de santé. Tout simplement parce que quand on fait de l’information nutritionnelle et de la communication nutritionnelle, c’est uniquement ceux qui sont déjà préoccupés par leur santé ou qui ont les moyens de transformer l’essai de l’information vers le comportement, qui vont les mettre en œuvre. Et ces personnes-là sont plutôt en haut de l’échelle sociale, ce qui a tendance à aggraver la totalité des inégalités sociales de santé. Donc les interventions dont on pense qu’elles peuvent si ce n’est les réduire au moins ne pas les aggraver, sont des politiques publiques autour des déterminants environnementaux.

3 politiques sont particulièrement importantes et sont mises en avant par l’ensemble des instances internationales, que ce soit l’OMS ou même l’OCDE.

  • C’est tout d’abord réduire la pression marketing pour les produits alimentaires de mauvaise qualité nutritionnelle, qui ont tendance à être extrêmement efficaces. En particulier chez les enfants et les adolescents qui sont prescripteurs des achats alimentaires, et d’autant plus dans les familles défavorisées qui souhaitent absolument faire plaisir. Donc c’est la première chose, réduire la publicité, que ce soit sur les supports médiatiques classiques, la publicité à la télévision ou à la radio mais aussi sur les médias sociaux ou internet qui sont actuellement des vecteurs de communication extrêmement importants pour les marques alimentaires.
  • La deuxième chose c’est de modifier finalement les prix des denrées alimentaires, pour permettre que celles de meilleure qualité nutritionnelle soient moins chères, et que celles de moins bonne qualité nutritionnelle soient plus chères. Ce qui est proposé c’est un ensemble de taxes pour les produits de moins bonne qualité, associées à des subventions pour les produits de meilleure qualité. Ce qui permettrait de rétablir finalement l’équilibre des prix pour les produits alimentaires.
  • La troisième stratégie proposée c’est d’améliorer l’information du consommateur par un étiquetage en face avant des emballages qui soit simple et compréhensible par tous. Il n’a pas de sens de proposer un étiquetage nutritionnel que seules des personnes ayant un niveau d’éducation élevé puissent comprendre pour modifier leurs achats alimentaires.

Toutes ces politiques ont déjà été développées dans un certain nombre de pays. Et pour la France, ont été résumées dans un rapport qui a été remis en 2014 à la Ministre de la santé et rédigé par le Professeur Serge Hercberg. Les propositions de ce rapport ont été étudiées et certaines ont fait l’objet d’une décision de la part de la Ministre, puisqu’a été proposé en France en particulier un étiquetage en face des emballages : le « Nutri-Score » qui est simple, et qui est particulièrement bien perçu dans les populations défavorisées.

La troisième phase du Programme national nutrition santé (PNNS) se termine à la fin de cette année. Le Haut Conseil de la santé publique a été saisi, afin de rédiger un rapport qui est doit être rendu public à la fin de l’année, afin de proposer les nouvelles mesures qui auront lieu dans le cadre de la nouvelle édition du Programme national nutrition santé. Parmi celles-ci, on peut espérer que ces nouvelles propositions qui jouent sur l’environnement alimentaire seront reprises, pour améliorer donc l’environnement alimentaire et ses déterminants pour la santé.