Vous aurez beau diffuser toutes les recommandations possibles sur des temps de pratique d’activité physique, s’il n’est pas possible, par exemple, de se déplacer à pied dans un environnement agréable et adapté ou de pratiquer une activité physique à proximité de ses lieux de vie, alors ces recommandations ont peu de chance d’impacter les comportements.
Parmi les déterminants de l'activité physique et de la sédentarité, on peut citer les déterminants environnementaux. Pouvez-vous nous expliquer ce que ce terme recouvre ?
Notre santé dépend d’interactions complexes entre les caractéristiques propres de l’individu, les comportements (au rang desquels l’activité physique et la sédentarité) et les caractéristiques des lieux dans lesquels nous vivons. Ces dernières sont qualifiées de ‘déterminants environnementaux’ et regroupent un large ensemble de composantes allant des caractéristiques urbanistiques aux polluants atmosphériques, en passant par les représentations que les populations ont de leur lieu de vie (quartier de résidence, de travail, traversées lors des déplacements quotidiens).
Ces caractéristiques dépendent des politiques sociales, d’urbanisme, de logement, de transport, des choix d’aménagement ou de ré-aménagement d’un territoire ... qui peuvent paraître externes au champ de la santé et qui, pourtant, en créant des environnements favorables (ou non) peuvent avoir des effets majeurs sur la santé. Ces déterminants environnementaux, comme leurs impacts sur la santé, sont distribués différemment dans l’espace, dans le temps et selon les populations – sources d’inégalités sociales et spatiales de santé.
Sur le lien entre déterminants environnementaux, pratique d'activité physique et sédentarité, pouvez-vous nous indiquer ce que les recherches scientifiques ont pu montrer ?
Ces dernières années, le rythme des recherches sur les relations entre comportements de santé et environnement – notamment dans le cadre des espaces urbains – s’est accéléré. D’abord réalisées dans le contexte des villes Américaines ou Australiennes – dont les formes urbaines sont très différentes de celles que l’on peut observer en Europe ou en France –, les recherches sur les relations entre environnement et activité physique se sont développées dans des contextes européens en se focalisant sur les mobilités actives (marche et vélo).
- Un axe de recherche porte sur les mesures, c'est-à-dire comment mesurer des comportements (activité physique et sédentarité) ? Comment évaluer un environnement urbain : quels outils, quelles échelles ?
- Un second axe a pour objectif de mieux comprendre les pratiques des populations en termes d’activité physique et de sédentarité (qui ? avec qui ? quand ? où et pourquoi ?) et leurs représentations (des activités physiques, des modes de transport et des environnements de vie).
De manière très générale, les espaces urbains caractérisés par la présence d’aménités urbaines variées (équipements, commerces, services), d’espaces verts et d’espaces publics agréables sont plus favorables à la pratique des mobilités actives. Pour les personnes âgées, par exemple, des travaux montrent l’importance de la qualité des trottoirs et de la présence de bancs pour promouvoir les déplacements à pied au quotidien. La proximité et la qualité des équipements sportifs doivent aussi être prises en compte.
Les associations entre les déterminants environnementaux et les comportements sédentaires sont moins nettes et font actuellement l’objet d’études. De manière générale, les chercheurs doivent encore explorer ces relations dans le cadre d’études expérimentales (suite à des aménagements/ré-aménagements urbains) et tout au long de la vie (de l’enfance à l’âge adulte).
En quoi l'articulation entre les actions sur les déterminants environnementaux et celles liées aux comportements individuels est nécessaire pour tout programme en matière d'activité physique et de sédentarité ?
Si l’objectif est d’augmenter la pratique d’activité physique et de diminuer les comportements sédentaires auprès de l’ensemble de la population (à tous les âges) – avec en toile de fond la lutte contre les inégalités de santé – alors il est nécessaire d’intervenir à tous les niveaux. Vous aurez beau diffuser toutes les recommandations possibles sur des temps de pratique d’activité physique, s’il n’est pas possible, par exemple, de se déplacer à pied dans un environnement agréable et adapté ou de pratiquer une activité physique à proximité de ses lieux de vie, alors ces recommandations ont peu de chance d’impacter les comportements. Inversement, vous aurez beau installer des pistes cyclables dans tous les espaces publics, si la population ne sait pas faire du vélo ou si les représentations de ce mode de transport sont négatives, alors ces pistes ne seront pas ou peu utilisées.
A ce titre, évaluer l’impact d’interventions sur l’environnement (développement d’un nouvel aménagement et/ou ré-aménagement) est un des enjeux actuels de la recherche. En effet, si de nombreux aménagements voient le jour rare sont ceux qui prennent en compte la dimension santé – de leur mise en œuvre à l’évaluation scientifique de leurs impacts sur la santé.
- Profil d’Hélène Charreire
- Définition et mesures de l'activité physique, dans Activité physique et santé – Arguments scientifiques, pistes pratiques
- Mobilités actives et santé : apports et limites d’un protocole de mesure de la marche et du vélo 2015
- Urbanisme et aménagements favorables à la santé. La Santé en action 2015
- L’impact de l’environnement bâti sur l’activité physique, l’alimentation et le poids. INSPQ 2010
- Interview d’Hélène Charreire, Onaps