Nos formations sont ouvertes à tous les acteurs. Nous invitons les professionnels à venir accompagnés d’usagers de leur structure, d’habitants de leur quartier… Mais un groupe d’habitants, les membres d’une association peuvent tout aussi bien s’inscrire de façon autonome. Ainsi la formation elle-même créée les conditions de cette participation. Chacun est alors formé et formateur.
Former à la participation c’est aussi interroger les formes de la démocratie
Aborder en formation la question de la participation, c’est certes travailler sur « l’agir » de façon à permettre aux acteurs de comprendre les enjeux de celle-ci, et de créer les conditions de cette participation, mais c’est aussi poser les bases d’une réflexion plus large autour des différentes formes de démocratie : représentative, délégative, participative. Patrick Viveret [1] interroge cette question de la démocratie et souligne la nécessité d’inventer de nouvelles formes, qu’il définit comme plus qualitatives : « Ce n’est pas le principe mais la forme démocratique inachevée qui est contestée.
La démocratie de rivalité, ou organisée autour de la loi du nombre, représente un progrès incontestable par rapport à tout système censitaire. Elle est cependant insuffisante pour traiter les grands défis de l’époque. Nous avons besoin d’une forme beaucoup plus participative de démocratie, alors que celle d’aujourd’hui n’est même pas représentative : elle est délégative et peu délibérative. Comme le montre Dominique Rousseau, pour affronter les défis qui sont devant nous, nous avons besoin d’une démocratie continue avec une dimension qualitative très importante, celle par exemple que lui apportent les lanceurs d’alerte ou « les lanceurs d’avenir ». Par ailleurs, l’actualité nous montre l’aspiration de plus en plus grande des citoyens à être mieux pris en compte dans l’élaboration des politiques publiques qu’il s’agisse d’environnement, de santé ... En France, dans les dernières lois de santé publique, la question de la participation – encore très centrée sur les patients - est de plus en plus présente avec comme corollaire le développement de la notion de démocratie en santé.
Se former « à la participation dans les démarches communautaires en santé » :
- C’est poser comme postulat de départ que tout le monde quel que soit son origine, son parcours, son statut est porteur de ressources pour la communauté.
- C’est accepter de décrypter et comprendre la spécificité de chaque acteur et d’en reconnaitre la légitimité :
- Pour les habitants usagers citoyens, une reconnaissance des possibles dans l’expression de leurs besoins et demandes, dans le partage de leurs expériences et de leur participation à la construction de réponses communes
- Pour les professionnels, la prise en compte des tensions entre une verticalité liée à l’organisation des structures et l’horizontalité d’un fonctionnement en réseau
- Pour les élus décideurs : l’évolution des politiques publiques en interrogeant « le pouvoir » de tous les acteurs dans celles-ci.
- C’est accepter de changer son regard.
- C’est accepter la tension d’un espace de négociation qui prend en compte la diversité des acteurs pour tendre vers une réponse commune aux problèmes posés ; c’est accepter aussi que les démarches participatives n’aboutissent pas toujours à un consensus mais qu’elles mettent en lumière les enjeux, pratiques, croyances, objectifs parfois irréconciliables.
Quelle place peut prendre la co-formation dans le cadre de démarche participative en promotion de la santé ?
Si le mot « participation » est communément utilisé jusqu’à faire partie de ce que l’on appelle « les mots valises », nous le complétons à l’IR avec les mots de « mobilisation » et « implication » sur la base de « créer les conditions de … ».
Nos formations sont ouvertes à tous les acteurs. Nous invitons les professionnels à venir accompagnés d’usagers de leur structure, d’habitants de leur quartier … Mais un groupe d’habitants, les membres d’une association peuvent tout aussi bien s’inscrire de façon autonome. Ainsi la formation elle-même crée les conditions de cette participation. Chacun est alors formé et formateur. Notre définition de la co-formation s’appuie donc sur 2 principes : être formés ensemble et être co-formateurs au sens de faire bénéficier les autres participants de ses connaissances, expériences, questions …Nous privilégions d’ailleurs le terme de formation croisée. En fait, la formation est une « mise en situation » de ce que peut être une démarche participative. Cela ne va pas de soi, notre proposition de « venir accompagné.e » ne trouve pas toujours d’écho favorable particulièrement dans les formations au sein d’un établissement ou service. Les professionnels préfèrent alors souvent acquérir des compétences et des connaissances avant de s’engager dans une telle démarche. Ils ont besoin d’un « entre-soi » avant d’aller plus loin.
Cette proposition, si elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, permet néanmoins d’appréhender la question de la participation d’une autre manière : il ne s’agit plus seulement de trouver des outils mais de vivre une situation. Pour nous, la formation croisée est une manière de donner à voir ce qui est possible y compris les tensions, les difficultés. Et c’est aussi de montrer qu’on peut-y prendre du plaisir !
Quels sont les grands principes qui guident vos formations ?
L’Institut Renaudot accompagne les acteurs sur l’appropriation des démarches communautaires en santé et leur mise en œuvre dans leurs projets. Ces formations, qui avant pouvaient se conduire sur 5 jours, permettaient ainsi d’approfondir les échanges et d’expérimenter des outils. Aujourd’hui, nous avons dû nous adapter aux règles de leurs financements et de la disponibilité moindre des acteurs. Ainsi, les formations proposées à l’Institut Renaudot sont conçues sous forme d’un cycle constitué de modules courts :
- Découvrir la démarche communautaire en santé
- S’approprier la méthodologie de projet en démarche communautaire en santé
- Les conditions de la mobilisation et de l’implication des habitants et des autres acteurs
- L’évaluation partagée
- Les outils d’animation en démarche communautaire.
Le fil conducteur de ces modules est la place des acteurs dans leurs diversités à chaque étape du développement des projets.
Les acteurs peuvent suivre l’ensemble du cycle ou choisir comme porte d’entrée le module correspondant à leur questionnement dans la réalisation de leurs projets. Chaque module est indépendant et peut se suffire à lui-même.
Ces formations peuvent être suivies :
- Soit dans le cadre d’un calendrier annuel pré-établi favorisant la rencontre d’acteurs venant de différents territoires et l’échange d’expériences par le partage de leurs différents projets,
- Soit sous forme de formations co-construites avec des équipes qui souhaitent renforcer leurs compétences dans le champ des démarches communautaires en santé sur leur propre terrain.
Ces modules de formation peuvent aussi s’intégrer dans le cadre d’accompagnement à plus long terme sur un territoire : on parlera alors de « formation-action ».
Les principes qui guident ces formations sont comme nous l’avons vu plus haut, de développer autant que faire se peut des formations croisées entre les différentes catégories d’acteurs. Pour faciliter cela nos modules sont gratuits pour les usagers grâce au soutien des institutions qui nous financent. C’est surtout cela qui en fait l’originalité et aussi parfois la difficulté. Il s’agit de s’appuyer sur les connaissances des uns et des autres, où chacun est ainsi une ressource pour le groupe. Cela implique d’élargir cette notion de ressource pour intégrer une dimension expérientielle y compris et surtout pour les usagers. Un autre principe de ces formations est la nécessaire adaptation permanente des contenus, des méthodes à la situation du groupe. La pédagogie active prend tout son sens dans ces situations même si cela n’a pas de caractère innovant. Finalement les principes qui nous guident sont assez peu différents des autres formations en promotion de la santé. A cette différence près que l’attention au groupe, aux singularités nécessite une vigilance accrue pour que chacun trouve sa place. Cela implique aussi, pour être cohérent que le niveau de « participation » de chacun dans la dynamique de groupe soit libre. Un de nos principes et d’accepter qu’on puisse trouver sa place comme observateur dans une de nos formations. L’essentiel étant qu’on y soit bien.
Bibliographie
Bibliographie de l'interview et ressources pour aller plus loin
Dossier Participation des habitants-usagers-citoyens
Notes:
- [1] . Alternatives économiques : Avec le convivialisme, réunir les forces de la vie contre le néolibéralisme. Viveret P., 2020