Les acteurs de terrain ont un rôle tout à fait majeur, car par la proximité vis-à-vis des populations, ils sont capables de décliner au plus près ces grandes mesures.
La nutrition est considérée, dans son acception moderne, comme associant à la fois l’alimentation et l’activité physique. Donc une vision intégrée de l’alimentation et de l’activité physique, qui permet de concilier à la fois un équilibre de la balance énergétique et une vision cohérente, synergique et complémentaire favorable à la santé.
En effet, de très nombreux travaux épidémiologiques, mécanistiques et cliniques ont permis de mettre en évidence comment la nutrition joue un rôle dans le risque ou la protection vis-à-vis des maladies chroniques, qui sont les grands problèmes de santé publique auxquels nous sommes confrontées aujourd’hui en France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés. Les travaux scientifiques sont convergents, et montrent à quel point la consommation de fruits et légumes peut être protectrice vis-à-vis des cancers, des maladies cardio-vasculaires ou de l’obésité. La consommation de produits gras, sucrés ou salés augmente à la fois les maladies cardio-vasculaires, cérébraux-vasculaires, mais également certains types de cancers, le diabète, l’obésité. Donc, on a toute une accumulation de travaux scientifiques qui permettent d’identifier aujourd’hui des facteurs, qui soit en termes de protection soit en termes de risque, jouent vis-à-vis des grandes maladies chroniques. Qui sont donc les grands problèmes de santé publique qu’on rencontre dans nos pays.
Ce sont donc des enjeux extrêmement importants, d’autant plus que la nutrition est un facteur sur lequel il est possible d’agir, à la fois au niveau individuel ou collectif. Toutes ces maladies chroniques sont des maladies multifactorielles qui comprennent des facteurs biologiques, métaboliques, environnementaux au sens large. Mais l’alimentation ou le mode de vie en rapport avec l’activité physique sont des éléments sur lesquels il est possible d’agir, à la différence des gênes sur lesquels on n’a pas ou peu de marges de manœuvre. On ne choisit pas ses aïeux, son grand-père ou sa grand-mère, mais le contenu de son assiette ou son activité physique dans la vie quotidienne c’est quelque chose sur lequel il est possible d’agir. Et vraisemblablement, de façon importante, pouvoir réduire le risque de certaines maladies.
Donc, c’est sur la base de ces travaux scientifiques et de la compréhension du rôle de la nutrition dans le déterminisme des maladies chroniques, qu’a été mis en place par de nombreux pays des politiques nutritionnelles de santé publique, recommandées entre autres par l’Organisation Mondiale de la Santé. En France, c’est le Programme National Nutrition Santé (PNNS) qui a été mis en place en 2001, avec l’objectif ambitieux d’améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur ce déterminant majeur qu’est la nutrition. Donc un certain nombre d’actions, de mesures, de régulations ont été développées ; un cadre de référence a été mis au point, fixant des repères, définissant des actions pour lesquelles on peut espérer une efficacité ; et avec un double niveau : le niveau national qui fixe ce cadre et puis surtout le niveau local et régional, de proximité où les acteurs de terrain ont pu s’investir pour développer des actions qui sont extrêmement utiles car très proches des populations.
Donc, cette politique nutritionnelle de santé publique a montré certains effets favorables : on mange un petit peu plus de fruits chez les populations jeunes, on mange un peu moins de produits sucrés, un petit peu moins de sel. Mais tout de même ces résultats ont montré les limites des approches individuelles basées uniquement sur la communication, l’information et l’éducation. Il est indispensable aujourd’hui d’agir sur l’environnement, c’est-à-dire l’environnement alimentaire et d’activité physique qui fasse que par défaut les consommateurs, les usagers, les citoyens puissent avoir accès à une amélioration de la qualité de l’offre alimentaire et de son accessibilité :
- accessibilité en termes de prix, jouer sur la régulation économique des produits ;
- jouer sur la reformulation, en incitant les industriels à améliorer la qualité de leurs produits ;
- réduire la pression marketing, notamment la publicité ;
- favoriser dans l’environnement des fontaines d’eau ou des distributeurs automatiques qui ne contiennent pas seulement des produits de snacking ;
- et sur le volet de l’activité physique, là aussi s’il n’y a pas de trottoir, il y a peu de chances que les gens marchent, ou s’il y a peu de pistes cyclables, il y a peu de chances qu’ils fassent du vélo ; d’une façon générale, il faut que l’on agisse sur cet environnement physique, c’est-à-dire l’urbanisme, les modes de transport, tout ce qui va permettre de favoriser l’activité physique dans la vie quotidienne.
Les inégalités sociales de santé dans le champ de la nutrition constituent aujourd’hui un enjeu majeur, lorsque l’on regarde les enquêtes épidémiologiques mesurant la consommation alimentaire ou l’état nutritionnel des populations. On voit qu’un ouvrier mange 50% moins de fruits et légumes qu’un cadre par exemple, ou que le risque de surpoids et d’obésité chez un enfant issu de couches sociales défavorisées est entre 2 et 3 fois plus élevé par rapport à des enfants issus de milieux plus favorisés. Donc, la nutrition est un marqueur social extrêmement important et il faut qu’on puisse concentrer des actions qui touchent l’ensemble de la population. Avec cette notion aujourd’hui d’universalisme proportionné, qui fait que les mesures qui doivent être mises en place doivent toucher proportionnellement encore plus les populations vulnérables que l’ensemble de la population, même si la finalité est de jouer sur tout le monde bien évidemment.
Donc, lutter contre les inégalités sociales de santé de façon efficace est le grand défi qui nous attend pour une politique nutritionnelle de santé publique à la hauteur des enjeux. Dont le succès ne pourra se faire que si l’ensemble des acteurs concernés, les ministères (Santé, Agriculture, Economie, Finance et tous les autres ministères concernés), les professionnels du monde de la santé bien sûr mais également du social, de l’éducation, le monde associatif et les opérateurs économiques, jouent le jeu. Et à ce niveau-là les acteurs de terrain ont un rôle tout à fait majeur, car par la proximité vis-à-vis des populations, ils sont capables de décliner au plus près ces grandes mesures, ces grandes actions ; et apportent une efficacité, particulièrement pour les populations les plus vulnérables.
- Programme National Nutrition Santé 2011-2015 (PNNS 3)
- Rapport Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) (2006-2007) et Rapport Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3)
- Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée. HAS, 2007
- Möwe et coll., 1994
- Proposition de l’assurance maladie sur les charges et produits pour l’année 2013. Cnamts (2012)
- Ministère des solidarités et de la santé, Maladies cardiovasculaires
- Dossier d’information « Cancer et Nutrition » Inserm
- Réalisé à partir du schéma : Déterminants de l'activité physique et des choix alimentaires (d'après Booth et coll., 2001 ; Davison et Birch, 2001)
- Activité physique d'intensité modérée (environ 3-6 MET) selon l’OMS
- Expertise collective Inserm. Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique. 2014
- Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l'obésité. Une enquête INSERM / KANTAR HEALTH / ROCHE. 2012.