La littératie en santé : quelle prise en compte par Santé publique France ?

Quels sont les enjeux concernant la littératie en santé identifiés par Santé publique France ?

On sait qu’une partie importante de la population a des difficultés pour accéder à l’information. Des études nous permettent de mesurer les compétences en littératie et en littératie en santé de la population. On peut citer, notamment, l’étude de l’OCDE sur les compétences des adultes qui nous donne le chiffre de 57% des adultes, en France, qui ont des compétences insuffisantes pour être complètement autonomes au quotidien.

On peut citer une autre étude sur la littératie en santé. Cette étude européenne (HLS-EU) montre que 47% de la population des pays qui ont participé à l’enquête (même si la France n’en faisait pas partie) ont des compétences insuffisantes pour gérer correctement leur santé de façon autonome. 

Ce constat met en avant un premier enjeu majeur : il s’agit d’une responsabilité partagée. On peut travailler pour améliorer les compétences en littératie en santé de la population ; mais c’est aussi à la société de s’adapter et de s’adresser mieux et de façon plus efficace à la population, en prenant en compte les compétences en littératie en santé. 

Ensuite, on sait que certains publics sont plus spécifiquement concernés par de faibles niveaux de littératie en santé. Ce sont notamment les personnes qui ont une faible scolarisation, celles qui sont nées et ont grandi dans un autre pays et qui n’ont pas la langue ni les codes culturels de leur pays d’accueil, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, etc. On sait que les données socio-économiques et les données sociales ont un effet sur les compétences en littératie, et que celles-ci ont un effet sur les comportements de santé et la santé. C’est le deuxième enjeu que l’on peut identifier : travailler sur la littératie en santé pour essayer de réduire les inégalités sociales de santé.

En quoi la mise en place d’organisations « pro-littératie » est un enjeu majeur, au-delà des questions de communication ?   

La prise en compte de la littératie en santé impacte les questions de communication et d’information, c’est un élément important à développer. Mais plus largement, elle doit être prise en compte à toutes les étapes et à tous les étages d’une organisation, depuis l’accueil des publics jusqu’aux instances décisionnelles. 

Si on prend l’exemple d’un lieu de soin ou d’un espace où on organise des ateliers d’éducation pour la santé sexuelle ou la santé nutritionnelle, cela pose la question de : 

• La dimension architecturale : comment je vais me repérer dans ce lieu, comment je vais accéder à ce lieu et repérer l’endroit où je souhaite aller ?
• L’accueil : quelle première information je vais recevoir ? que l’accueil soit physique, téléphonique ou par biais électronique
• Le circuit administratif : que vais-je recevoir comme information ? comment le circuit administratif va se dérouler ?
• L’accès au lieu de soin ou à l’espace d’échange : comment l’accès a été conçu ?

Donc tous les éléments qui vont être pris en compte vont faciliter ou bien freiner la participation ou l’adhésion, à cause par exemple de barrières liées à la langue ou culturelles, barrières liées à l’information, à la disponibilité, aux organisations familiales… 

On peut penser à des actions qui invitent des personnes à un dépistage bucco-dentaire. Si je ne sais pas lire le courrier, si j’ai des difficultés en français, si je n’ai pas bien compris que c’était gratuit et que je suis en difficulté pour avancer les frais : je vais me sentir concerné ou non concerné. 

Si on organise un atelier de sensibilisation aux moyens de contraception aux femmes mais que ces ateliers se passent à 16 heures, une fois que les enfants sont rentrés de l’école, c’est compliqué pour participer. 

Donc une organisation qui s’intéresse à la dimension de la littératie en santé, une organisation « pro-littératie », doit intégrer cette dimension à toutes ses étapes de réflexion. Elle doit sensibiliser tous les corps de métiers, tous les professionnels ; elle doit favoriser la participation des bénéficiaires...

Quelles sont les démarches engagées par Santé publique France afin de favoriser le déploiement d’actions sur ces sujets ? 

Cela fait maintenant dix ans que Santé Publique France s’est emparé des questions d’accès à l’information pour tous, et a développé une vraie stratégie « pro-littératie » avec plusieurs axes de travail. 

D’une part, comment intégrer les besoins et les compétences en littératie de la population dans toutes nos actions de communication et de marketing social : supports d’information très accessibles et stratégies de marketing social, comme avec les dispositifs Nutri-Score® et Moi(s) sans tabac qui intègrent cette question en amont des processus. 

Il y a également un travail de sensibilisation/formation des professionnels au sein de l’agence et auprès de nos partenaires. On propose notamment un guide pratique Communiquer pour tous, qui permet aux acteurs qui produisent une information de mieux s’adresser à tous quelles que soient leurs compétences.

On commence également à intégrer une mesure de la littératie dans nos études en santé, pour croiser les compétences en littératie avec l’état de santé et les comportements de santé des publics. 

Et enfin, on intègre les questions de littératie au sein de notre programmation pour que toutes les dimensions et toutes les activités de l’agence s’imprègnent de cette question.