activité physique

Quels leviers pour augmenter le niveau d'activité physique des Français ?

Aude-Marie Foucaut

L’inactivité physique est la 4ème cause de mortalité dans le monde. Donc il faut trouver les moyens d’amener les personnes qui ne sont pas aujourd’hui actives vers l’activité physique qui leur plaira.

Aude-Marie FOUCAUT
Maître de conférences STAPS à l’Université Sorbonne Paris Nord (Laboratoire LEPS UR3412), spécialisée dans l’activité physique adaptée et santé (APA-S), notamment en oncologie
Sport, activité physique, APA, sport-santé… Plusieurs notions s’entremêlent. Pouvez-vous nous rappeler ce qui les différencie et ce qu’il faut en retenir du point de vue de la promotion de la santé ?

L'activité physique (AP), c'est tout mouvement qui entraîne une dépense énergétique plus élevée que celle au repos. Donc c'est le fait de bouger, dans le cadre des activités de la vie quotidienne (ménage, courses…), des déplacements actifs, du travail, des activités de loisirs (bricolage, jardinage, sport…).

Tandis que le sport, c'est une activité qui engage le corps et qui est institutionnalisée, c'est-à-dire qu'il y a des techniques, des règles, des fédérations, qu'on pratique le sport en loisirs ou en compétition. L’avantage des sports, c'est qu'ils permettent de travailler différents aspects de la condition et des capacités physiques : l’endurance, la force musculaire, la souplesse, l’adresse, la précision... Ils agissent aussi sur les compétences psycho-sociales : l’apprentissage de la sociabilité (dans les sports collectifs), la confiance en soi, l'estime de soi, de son corps, etc.

Dans l’activité physique adaptée (APA), un professionnel formé utilise, dans un programme construit et individualisé, l'activité physique ou le sport comme un outil à des fins thérapeutiques pour accompagner une personne dans la maladie chronique, dans le handicap ou dans ses vulnérabilités.

Donc l’APA, mais aussi l’AP ou le sport (lorsque leurs objectifs sont orientés vers la santé et le bien-être), agissent sur la santé globale, physique, sociale et mentale.

Enfin, le sport-santé est un terme valise qui englobe l'activité physique adaptée, donc en prévention secondaire et tertiaire, et l'activité physique pour tous, en prévention primaire. C’est aussi une démarche politique, avec la stratégie nationale sport-santé qui vise à faire de la prévention par l’activité physique.

Un autre concept à prendre en compte est le comportement sédentaire. C'est le fait d'avoir un volume important d’activités proches de la dépense énergétique de repos, c'est-à-dire en position assise ou allongée en dehors du sommeil. Le comportement sédentaire a un effet délétère même si on est physiquement actif par ailleurs. C’est un facteur de risque de maladies chroniques. Si l’on n'atteint pas les recommandations d'activité physique, c'est pire. Le mieux, c'est de limiter le temps total passé dans les activités sédentaires à moins de 6 heures cumulées par jour. Et il faut multiplier les pauses actives, les mouvements pour interrompre les temps de sédentarité : par exemple au bureau, travailler debout devant son ordinateur, se lever pour prendre un dossier...

Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’il n'est pas forcément nécessaire d'être sportif pour atteindre les recommandations d'activité physique pour un bénéfice santé. Qu’il n’est jamais trop tard pour commencer. Chacun peut y parvenir en utilisant les activités de la vie quotidienne, dans leur diversité. 
L’inactivité physique est la 4ème cause de mortalité dans le monde. Donc il faut trouver les moyens d’amener les personnes qui ne sont pas aujourd’hui actives vers l’activité physique qui leur plaira. Mais cela nécessite d’en parler autrement, de bien définir les termes, de dire qu’être actif ce n’est pas forcément être sportif.


Alors, comment mettre plus d’activité physique et de sport dans la vie des Français, sur quelles dimensions peut-on agir ?  

Donner goût à l'activité physique dès le plus jeune âge est donc un enjeu majeur. Culturellement, en France, le sport n'est pas valorisé. On le voit dès l'école, où le volume horaire pour l'éducation physique et sportive a beaucoup diminué au fil des ans. Grâce à la dynamique portée par les Jeux Olympiques et Paralympiques, notamment avec le collectif Pour une France en forme, ils ont réussi à mettre en place les 30 minutes par jour d'activité physique pour les jeunes. Espérons seulement que cela se pérennise.
Le modèle est également un levier intéressant, notamment chez les adolescents. Avoir un sportif comme modèle encourage les jeunes à pratiquer un sport.

C’est aussi intéressant d’agir sur la littératie physique des jeunes, c’est-à-dire leurs compétences physiques comme lancer, attraper, ramper, courir, grimper… Ce sont des capacités que nos jeunes développent moins, en plus du fait qu’ils ne rentrent pas dans les recommandations d’activité physique quotidienne permettant pourtant de maintenir une bonne condition physique (endurance, force, etc.). Cela prépare des adultes qui ont du mal dans leurs activités du quotidien, et qui ont plus de facteurs de risque de maladies chroniques.

Le fait de pratiquer une AP ne dépend pas que de l’individu, de son envie ou de ses capacités, ni seulement des infrastructures sportives, c’est vraiment systémique. Il y a aussi le comportement des proches : encouragent-ils ou freinent-il l’ AP ? Et de façon plus macro, il y a les politiques de la ville, les politiques nationales, les lois, les programmes scolaires, les moyens alloués, l’urbanisme (par exemple des éclairages et trottoirs sécurisants, des pistes cyclables, favorisant les déplacements actifs)...

On le voit dans les modèles qui permettent de comprendre les barrières et les facilitateurs à l'activité physique, comme le modèle socio-écologique de Booth (2001). En général, on retrouve des facteurs assez communs à tous ces modèles : notamment le soutien social par la famille, par les amis, par les pairs, le sentiment d'auto-efficacité, le rôle du médecin (chez les personnes qui ont des problématiques de santé)…

 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques pourraient-ils être un levier pour faire évoluer les pratiques sportives des Français ?

On peut évidemment espérer qu'il y ait un héritage immatériel des Jeux, en favorisant et en valorisant l'activité physique et sportive. C'est tout de même difficile à dire aujourd’hui. Des études d’impact réalisées suite aux Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Londres ont montré qu’il n'y a pas eu beaucoup plus d'inscrits dans les clubs sportifs par la suite. Espérons qu’en France l’impact soit plus fort que pour les précédents JOP.

Quand on sait que la plupart des Français se représentent l’« activité physique » comme du sport, synonyme de performance, on peut craindre que les personnes qui ne s’en sentent pas capable seront encore plus « mises à distance » en voyant le niveau des athlètes. Les actions mises en œuvre dans les villes, les quartiers, les écoles dans le cadre des années de préparation à l’accueil de Jeux aura peut-être permis de dédramatiser et de promouvoir la mise en mouvement auprès de personnes qui n’en percevaient pas l’intérêt ou qui ne se sentaient pas capables d’être actifs.  

Fait important à noter : pour la première fois, le comité d'organisation est commun aux Jeux Olympiques et Paralympiques. Ces derniers sont ainsi plus médiatisés.  Cela peut encourager les personnes en situation de handicap à pratiquer un sport. Encore faut-il que, dans les clubs de sport, des professionnels formés soient présents pour les accompagner. Un exemple comme le Pôle de Référence Inclusif et Sportif Métropolitain (PRISME), héritage des Jeux Paralympiques 2024, pourrait mettre en lumière les facteurs macro de politique d’un territoire, et méso d’accessibilité du bâti et du service pour une pratique d’activité physique et sportive pour tous et partagée. Il faudra en étudier les impacts.

En conclusion, il est important d'agir sur tous les paramètres d’un « système », et les JOP peuvent être une opportunité, mais mettre des moyens pour installer les dispositifs et leur organisation dans la durée est indispensable. Et surtout bien faire passer le message que chacun peut augmenter son niveau d’activité physique sans être sportif.