Les compétences psychosociales dès l'enfance : quelle prise en compte par Santé publique France ?
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Ce sont des axes de travail inscrits dans un certain nombre de programmes de Santé Publique France, avec des axes opérationnels dédiés à l’expérimentation, l’évaluation et le déploiement.
Concernant le développement des compétences psychosociales des enfants et jeunes adolescents, quels sont les enjeux identifiés par Santé publique France ?
> Enjeux stratégiques
Une première catégorie d’enjeux concerne les enjeux stratégiques, car on a pu constater que le développement des compétences psychosociales est un enjeu important en termes de prévention, notamment des conduites à risques, de promotion de la santé et en particulier de la santé mentale.
Des données d’observations montrent en effet qu’il y a un certain nombre de déterminants qui relèvent des compétences psychosociales. Notamment, s’agissant des relations entretenues avec les parents ou avec les pairs, et des enjeux autour de l’estime de soi ou de la confiance en soi. Les études transversales et longitudinales montrent ainsi des liens étroits entre les compétences psychosociales et les états de santé, ou encore l’adoption de comportements favorables ou défavorables à la santé.
De façon plus générale, on sait en termes de modélisation des comportements, que pour adopter des comportements favorables, il faut des capacités, des motivations et aussi des opportunités dans l’environnement pour pouvoir mettre en œuvre ou adopter ces comportements. Et les compétences psychosociales, définies comme des capacités, se présentent donc comme un des déterminants majeurs des comportements de santé.
Par ailleurs, si on regarde la littérature consacrée à l’évaluation des interventions ayant montré des bénéfices en termes de santé ou de comportements favorables à la santé, on voit que les interventions dominantes, en termes de bénéfices pour la santé, sont celles qui développent des compétences psychosociales.
> Enjeux opérationnels
Ensuite, on peut parler des enjeux plus opérationnels en termes de développement des CPS.
Définitions et caractéristiques des programmes
Pour Santé publique France, l’un des enjeux importants est sans doute, en premier, celui de la définition des interventions de développement des CPS. C'est-à-dire, de quoi parle-t-on quand on parle de ce type de programme ? Il faut regarder les données de littérature autour de la définition et des caractéristiques de ces programmes. Selon la définition de l’OMS, on a trois grandes catégories de compétences psychosociales : les compétences cognitives, les compétences émotionnelles et les compétences sociales.
Enormément d’interventions peuvent rentrer dans ce cadre-là. Ce qui présente une forme de désavantage, car beaucoup de programmes ou de types d’interventions pourraient relever d’une forme de développement des compétences psychosociales. Cependant, si on regarde la littérature, on voit qu’il y a quand même un certain nombre de critères qui caractérisent les programmes CPS ayant montré un bénéfice ou un intérêt pour la santé.
- C’est d’une part le fait de travailler de façon conjointe ces différentes catégories de compétences (cognitives, sociales et émotionnelles). Parce que l’on sait qu’elles s’équilibrent et se complètent les unes les autres.
- Un deuxième critère important, c’est en termes d’intensité de programme. On voit que pour avoir un impact sur des indicateurs de santé, ce sont généralement des programmes qui proposent plusieurs sessions, qui ont une certaine intensité, et qui proposent une progression relativement structurée et avec des outils d’animation.
- Cela rejoint un troisième élément important pour définir des programmes CPS ayant un bénéfice pour la santé, qui est que ces compétences doivent être travaillées de façon interactive (jeux de rôle, mises en situation…). On voit bien qu’avec ces compétences cognitives, sociales ou émotionnelles, on va tenter de faire acquérir aux individus des outils intellectuels mais également comportementaux pour leur permettre de faire des choix, de prendre des décisions favorables à leur santé, ainsi qu’à celle de leur entourage. Et donc il faut que les individus puissent les pratiquer dans le cadre de ces ateliers avec des méthodes interactives.
- Enfin, un autre élément important et qui découle de ceux qu’on vient de présenter, concerne la formation. Car mettre en œuvre un programme de développement des compétences psychosociales, surtout quand on n’en a jamais fait, cela ne s’improvise pas et nécessite une formation de qualité et une méthodologie de travail.
Déploiement des programmes et qualité de mise en œuvre
Le deuxième enjeu opérationnel va être celui du déploiement et de la qualité de la mise en œuvre.
C’est un enjeu extrêmement important, puisque l’on voit bien que ces programmes sont relativement coûteux, qu’ils demandent de la formation et une certaine intensité. Donc, pouvoir insérer ces programmes dans différents milieux et par des professionnels formés est un enjeu fort, afin de trouver l’espace d’introduire ces pratiques dans les pratiques professionnelles déjà existantes.
Les enjeux de déploiement vont par ailleurs être très clairement dépendants des milieux. Ils seront par exemple différents si on implante ces programmes via des animateurs de la ville, en milieu scolaire, ou encore dans le milieu de la justice (ex. Protection Judiciaire de la Jeunesse, PJJ).
Plaidoyer et travail en partenariat
Enfin, pour pouvoir déployer ces programmes de façon qualitative et assez large dans les milieux qui nous intéressent, cela nécessite de convaincre nos partenaires et notamment ceux qui sont en dehors du champ de la santé. Il y a ainsi un enjeu important de plaidoyer à adapter aux différents milieux d’intervention (qui peuvent être la ville, l’école ou encore la justice) concernant l’importance et l’intérêt de déployer des programmes de développement des compétences psychosociales dans leur propre milieu.
C’est quelque chose qu’il faut travailler avec eux en termes d’acceptabilité, de pré-requis et d’argumentaires pour motiver et convaincre leurs interlocuteurs, leurs collègues, leurs partenaires, d’expérimenter ou de déployer des dispositifs fondés sur le développement des compétences psychosociales.
C’est quelque chose qui est en cours, il y a des orientations et des impulsions récentes. Notamment dans le cadre de la Stratégie nationale de santé, des déclarations du ministre de la Santé et du ministre de l’Éducation nationale, autour du déploiement de programmes de promotion de la santé et du développement des compétences psychosociales en milieu scolaire, etc.
Concrètement, comment Santé publique France impulse le déploiement de programmes de développement des compétences psychosociales ?
Ce sont des axes de travail qui sont inscrits dans un certain nombre de programmes de Santé Publique France, en particulier dans les programmes addictions, enfants, jeunes ou encore santé mentale. Nous avons ainsi des axes opérationnels dédiés à l’expérimentation, l’évaluation et le déploiement de programmes de développement des compétences psychosociales.
> Mise à disposition des données de la littérature
Une première façon de contribuer au développement des programmes, c’est de mettre à disposition les données de la littérature qui attestent de l’intérêt de déployer ces interventions pour prévenir une large gamme de comportements à risques et promouvoir la santé, notamment la santé mentale. Il s’agit également de montrer les bénéfices de ces programmes sur des indicateurs qui intéressent directement nos partenaires au-delà des seuls indicateurs de santé (cf plaidoyer).
> Expérimentation de programmes et évaluation
Ensuite, une deuxième façon de contribuer au déploiement des programmes de développement des compétences psychosociales, c’est à travers nos activités d’expérimentations de programmes.
- Cela peut concerner des programmes qui sont déjà développés dans le contexte national. Dans ce cadre-là, il va s’agir de les évaluer, pour vérifier qu’ils ont bien des impacts significatifs et bénéfiques en termes de santé. Et les données de la littérature qu’on a pu recueillir auparavant permettent également d’avoir une évaluation un peu théorique : ce qui est fait sur le terrain, est-ce que, a priori, c’est en ligne avec les données de la littérature ?
- Ensuite, si on regarde la littérature, on retrouve souvent des programmes développés dans d’autres contextes que le contexte français, notamment dans des pays anglo-saxons (Etats-Unis, Angleterre, Canada). Notre contribution peut alors être d’identifier des programmes qui sont prometteurs puisqu’ils ont montré un bénéfice, et ensuite de trouver des partenaires qui soient intéressés pour tenter de mettre en œuvre ce type de dispositifs, sur certains territoires ou dans certains milieux. Santé Publique France accompagne ce processus en finançant la mise en place de pilotes pour en tester l’acceptabilité, la faisabilité et le caractère adapté au contexte français, aux publics et aux professionnels qui vont les mettre en œuvre. On accompagne cela avec des études plutôt qualitatives pour voir si le programme est adapté, si cela rencontre bien les besoins, s’il y a des ajustements à faire, etc. Et après cette phase pilote et les ajustements nécessaires, on va déployer à plus large échelle pour avoir suffisamment de puissance statistique et ainsi vérifier que ces programmes ont un impact sur les indicateurs qui nous intéressent, et, en particulier, sur les indicateurs de santé.
> Déploiement à grande échelle
Enfin, la troisième catégorie de contribution de Santé Publique France au développement de ces programmes va être le déploiement. C'est-à-dire : comment une fois qu’on a évalué que ces programmes sont implantables, répondent à des besoins, sont adaptés à nos publics et à nos professionnels et qu’ils ont un bénéfice réel sur la santé, comment fait-on pour passer à une échelle de déploiement plus large au niveau du territoire national ?
Ce sont des choses que l’on discute avec nos partenaires, avec l’idée de pouvoir conventionner avec ceux qui peuvent être en capacité de déployer ces programmes à plus large échelle et d’assurer la qualité de ce déploiement. En travaillant sur les bonnes modalités d’implantation et de diffusion, mais également sur la qualité de la formation. Avec l’enjeu, par exemple, autour de la formation de formateurs, ceux-ci pouvant ensuite à leur tour former d’autres professionnels dans leurs territoires et favoriser le déploiement au niveau national.
Dans certains milieux, il faudra agir autrement. Par exemple à l’école, où il faut sans doute laisser à l’Education nationale le pilotage et la conduite des réflexions autour des stratégies et conditions de déploiement de programmes de développement des compétences psychosociales, afin d’intégrer à ces travaux les contraintes et les opportunités spécifiques au milieu scolaire. L’école étant un milieu privilégié et sans doute le plus convoité pour l’implantation de programmes de développement des compétences psychosociales.
- Dossier « Développer les compétences psychosociales des enfants et des jeunes », Santé en action 2015
- Quelles sont les interventions efficaces chez les jeunes pour prévenir les consommations ? DU ROSCOÄT E 2014
- Promouvoir la santé de l’enfant en soutenant les compétences parentales : l’action de Santé publique France. EnfancesPSY 2018