Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Capitalisation d'expérience « Prévention des conduites addictives chez les jeunes de quartiers défavorisés »

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« Prévention des conduites addictives chez les jeunes de quartiers défavorisés »

Fiche réalisée sur la base d’un entretien conduit en avril 2018 avec Patrick Dziedjou, coordonnateur du Contrat local de santé de Sartrouville et d’un entretien téléphonique avec Laurent Douchet, sociologue et formateur en addictologie de l’ANPAA78 (dziedjoup@ville-sartrouville.fr - 09 64 42 91 69)

Principes de la démarche de capitalisation

Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).

Depuis 2016, le Contrat local de santé (CLS) de la Ville de Sartrouville (78) coordonne un projet de prévention des conduites addictives chez les jeunes dans des quartiers politique de la ville. Ce projet s’appuie sur des approches populationnelles, participatives, permettant le développement des compétences psychosociales des jeunes et des parents dans leurs différents milieux de vie (scolaire et extra-scolaire), et d’autre part de toucher les familles. Ce projet résulte d’un travail partenarial entre plusieurs structures locales et structures spécialisées dans les addictions.

Intervention « Prévention des conduites addictives chez les jeunes de quartiers défavorisés »
Porteur Contrat local de santé (CLS) de la Ville de Sartrouville (78), dépendant du Centre municipal de santé (CMS Yves Culot)

 

 

Thématiques Prévention des conduites addictives chez les jeunes, notamment par le développement des compétences psychosociales
Population cible Jeunes âgés de 14 à 25 ans des quartiers en politique de la ville (à noter que ce récit s’intéresse plus spécifiquement aux jeunes niveau collège)
Calendrier Depuis 2016
Milieu d’intervention Milieu scolaire, Périscolaire, Quartier prioritaire de la ville
Territoire concerné Quartiers en politique de la ville  de Sartrouville (Les Indes et Vieux-pays)1
Principaux partenaires   ANPAA 78, Mouvement vie libre, centres de loisirs, infirmières scolaires (lycée et collèges), mission locale, La compagnie des contraires, Agence régionale de santé IDF, Mildeca
Equipe sur le programme Cordonnateur du CLS
Objectifs
  • Prévenir les conduites addictives chez les jeunes, par une sensibilisation sur les addictions avec produits (drogues, alcool, tabac, chicha…) et par le développement des compétences psychosociales
  • Accompagner et soutenir les familles pour qu’elles puissent faire face aux problèmes d’addictions de leurs enfants (repères, conseils pratiques…)
  • Informer les jeunes, les familles et les professionnels sur les ressources locales : structures d’accompagnement et de prise en charge à Sartrouville et dans les alentours
  • Former les professionnels intervenant auprès des jeunes et des familles à une culture commune sur les addictions, aux facteurs de vulnérabilité et de pratiques à risques, et aux CPS

Sigles utiles :

  • ANPAA : Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie
  • CPS : compétences psychosociales
  • CLS : Contrat local de santé
     

Afin de faire référence aux facteurs d'efficacité des programmes de développement des CPS avancées par Béatrice Lamboy, Docteur en psychologique, les facteurs sont indiqués avec des textes MAJUSCULES et gras.

Contexte et enjeux

En 2013, dans la perspective de la signature du Contrat local de santé, la commune de Sartrouville a conduit un diagnostic avec un bureau d’études pour identifier les problématiques en matière de santé sur le territoire (notamment sur ses trois quartiers en politique de la ville).
Ce diagnostic a mis en évidence :

  • une surreprésentation des familles monoparentales ;
  • des difficultés parentales, notamment un sentiment d’impuissance face aux conduites addictives des jeunes (surtout consommation de cannabis et chicha) ;
  • une déscolarisation de certains jeunes faisant face aux consommations d’alcool, drogues, tabac ;
  • un nombre insuffisant d’actions de prévention sur les questions d’addictions, ainsi que de structures de prise en charge des jeunes concernés.

Partant de ces constats, la Ville de Sartrouville a décidé de mettre en place en 2016 un projet autour de la prévention des conduites addictives chez les jeunes, inscrit dans l’un des axes stratégiques du Contrat local de santé « Prévenir les conduites à risque et la santé mentale », en ciblant les quartiers en politique de la ville.

La construction de ce nouveau programme de prévention a nécessité une réflexion et des collaborations multiples sur le territoire, afin d’une part de toucher les jeunes dans leurs différents milieux de vie (scolaire et extra-scolaire), et d’autre part de toucher les familles. « Il faut travailler avec les jeunes, mais il faut aussi donner les outils aux parents pour pouvoir prendre le relai par la suite ».
COHÉRENCE SUR L'ENVIRONNEMENT DE L'ENFANT

Pilote du programme, le coordinateur du CLS a ainsi initié des rencontres individuelles avec les acteurs de Sartrouville impliqués dans le diagnostic (médecins du CMS, professionnels encadrant les centres de loisirs, structures jeunesse, infirmières scolaires, espaces jeunes, etc.), puis une rencontre collective « l’idée c’était de mettre autour de la table tous les acteurs qui étaient partie prenante du projet ».

Ces différentes rencontres, et la connaissance par les professionnels locaux des publics visés par le programme, ont permis de pointer différents constats qui ont guidé les futures actions :

  • A Sartrouville et plus particulièrement dans les quartiers « défavorisés », les conduites addictives (surtout drogues et alcool) représentent un sujet sensible. De ce fait, la libération de la parole des jeunes comme des parents n’est pas aisée, et nécessite des approches spécifiques pour favoriser les discussions et débats. « Il y a des mécanismes défensifs chez les parents, un discours ambiant pensant que les jeunes ne consomment pas. »
  • Les professionnels au contact des jeunes témoignent d’un manque de connaissance précise concernant les addictions et la manière de les aborder avec les jeunes et les familles ; et également une méconnaissance des structures ressources vers qui orienter les publics concernés par des problèmes d’addictions.

C’est pourquoi la première étape a été de former les professionnels (animateurs de structures jeunesse, conseillers psychologues, acteurs associatifs, infirmières scolaires…) par l’ANPAA78 ; formation renouvelée en seconde année pour toucher un maximum d’acteurs.

Et les interventions auprès des jeunes ont été mises en place dès 2016 au niveau scolaire et extra-scolaire, et auprès des parents. Pour les animations, le coordinateur du CLS a fait appel à l’ANPAA78 et au Mouvement vie libre (association regroupant des anciens dépendants aux drogues et à l’alcool).

Depuis 2016, plusieurs méthodes ont été mises en œuvre par les intervenants afin d’atteindre les objectifs du projet. Les lignes directrices sont de proposer des approches populationnelles, participatives et permettant le développement des compétences psychosociales (des jeunes comme des parents). Par ailleurs, l’appui sur le réseau local permet d’« aller vers » les publics et de toucher le plus de personnes possibles.

Objectifs du programme « Prévention des conduites addictives »

  • Prévenir les conduites addictives chez les jeunes, par une sensibilisation sur les addictions avec produits (drogues, alcool, tabac, chicha…) et par le développement des compétences psychosociales
  • Accompagner et soutenir les familles pour qu’elles puissent faire face aux problèmes d’addictions de leurs enfants (repères, conseils pratiques…)
  • Informer les jeunes, les familles et les professionnels sur les ressources locales : structures d’accompagnement et de prise en charge à Sartrouville et dans les alentours
  • Former les professionnels intervenant auprès des jeunes et des familles à une culture commune sur les addictions, aux facteurs de vulnérabilité et de pratiques à risques, et aux CPS

Modalités d’action (selon les 5 domaines de la promotion de la santé - Charte d’Ottawa) :

Le schéma ci-dessous classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :

  • selon les 5 axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
  • selon les publics concernés par chacune des actions : jeunes (en vert), professionnels (en jaune-orange) ou parents (en gris). 

Les compétences psychosociales abordées au cours du programme

Le programme développé à Sartrouville permet de développer un certain nombre de compétences psychosociales, que ce soit celles des jeunes comme des parents :

  • développer le sens critique, et savoir interpréter et comprendre des idées/images (débats concernant les pièces de théâtre, les expositions, les photo-concepts...)
  • savoir communiquer avec les autres, s’écouter et partager ses représentations et points de vue
  • savoir trouver des solutions à ses problèmes, et savoir vers qui se tourner

Quelques points notables du programme « Prévention des conduites addictives »

  • Travail partenarial entre plusieurs structures locales et structures spécialisées dans les addictions, et formation des professionnels pour développer « une culture commune » sur la ville de Sartrouville : partage d’expertises, de connaissances des publics et des structures relai, échanges sur les façons de travailler, compréhension et mode d’utilisation des outils pédagogiques…
  • Collaboration mise en place grâce à des rôles dédiés à chaque acteur :
  • Actions courtes dans le temps mais avec des méthodes éprouvées : sensibiliser les jeunes dans un premier temps (exposition ou théâtre/danse) puis débattre avec eux quelques semaines plus tard pour « activer leurs sens critique, savoir comment ils ont perçu un peu ce message, cette histoire ». Cette approche courte et peu coûteuse permet de toucher l’ensemble d’un niveau des établissements concernés (tous les 5ème et 4ème pour le collège), et est reproduite chaque année, ce qui garantit de toucher un nombre important de jeunes sartrouvillois.
    PÉDAGOGIE INTERACTIVE ET EXPÉRIENTIELLE
  • Utilisation d’outils créés par des jeunes. Pour les interventions en milieu scolaire, l’ANPAA78 utilise des outils de prévention réalisés à l’occasion d’autres programmes, par des jeunes et en partant de leurs propres représentations. C’est notamment le cas des pièces de théâtre/danse « Il y a de la fumée dans l’air »2 et « Gueule de bois » qui sont « véritablement issues d’un projet d’éducation pour la santé avec des jeunes qui ont été partie prenante, en partant de leurs besoins et de leurs demandes ».
  • Choix de l’ANPAA78 de prendre les élèves en demi-groupes sans la présence des enseignants. Les interventions sont très courtes et le formateur « veut vraiment pouvoir échanger avec eux librement, l’enseignant représente toujours un petit peu le capitaine du bateau ».
  • Actions pour sensibiliser et développer les CPS des parents. L’ANPAA utilise un outil de photo-concept autour des conduites à risques et de l’adolescence. Cette approche participative permet les échanges et les réflexions de manière interactive. « Est-ce qu’ils partagent le même point de vue ? Est-ce qu’ils auraient choisi cette image pour les mêmes raisons ? Est-ce qu’ils la comprennent de la même manière ? ». Pour l’ANPAA « chacun à des solutions » et cette méthode permet de leur en faire prendre conscience eux-mêmes par l’échange.
    COHÉRENCE SUR L'ENVIRONNEMENT DE L'ENFANT
  • Projet complémentaire à un autre projet sur les addictions « sans produit » en primaire (écrans, outils numériques, réseaux sociaux, jeux vidéo, …). Notamment car certaines familles ont fait part des difficultés qu’elles rencontrent avec cette thématique. « Lorsque l’on prévient plus jeune, on a de fortes chances de retarder ou bien de limiter l’entrée dans la dépendance avec produits et sans produits ».
    DANS LA DURÉE DÈS LA PETITE ENFANCE
  • Quelques éléments d’évaluation : bilan relativement positif. Par rapport à 2016, un nombre croissant de jeunes touchés en milieu extra-scolaire a été observé (environ 100 à 150 jeunes), et plus de 500 jeunes ont été touchés en milieu scolaire. « C’est plutôt un bilan satisfaisant et encourageant dans la mesure où on considère qu’il faut inscrire, tant que l’on aura des financements, ce projet dans la durée ».

Comment transposer au mieux ce programme ?

Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire

Difficulté de faire participer les parents, particulièrement sur le sujet sensible des addictions. « Même en milieu scolaire, les responsables d’établissement nous font part que c’est difficile. Elles se déplacent très peu ». Réduction du nombre de sessions réalisées par manque de participants.

De plus, la maison de quartier (où se trouve le CLS) est localisée dans un quartier politique de la ville, perçu négativement et excentré par rapport aux autres structures de la ville. 

Démarche d’« aller vers » les jeunes et leurs familles, dans des lieux qu’ils fréquentent déjà régulièrement et qui ne sont pas éloignés : centres de loisirs, accueil jeunesse, collèges …  Et se greffer à des « évènements » où les parents sont invités.

Appui sur les structures reconnues par le public, qui invitent eux-mêmes les parents, et où le bouche à oreille peut aider. « Les familles n’adhéreront pas aux activités si elles n’ont pas confiance en l’intervenant ».  

Milieu scolaire : invitation de tous les parents à participer à l’atelier, même ceux dont les enfants ne sont pas concernés par les interventions. Et invitation sur un thème moins sensible, les mondes numériques, pour aborder ensuite les addictions.

 

Quelques difficultés pour amener les différents professionnels (publics, associatifs…) à travailler ensemble.

Par ailleurs, incompréhensions en lien avec les différentes visions qu’ils peuvent avoir de l’adolescence, de la prévention et des représentations des quartiers prioritaires.

Par exemple, certaines questions d’addictions sont sous-estimées et certains ont peur d’induire les conduites addictives en intervenant sur le sujet.  

Réunions et formations pour regrouper les différents services et structures de la ville, permettant aux professionnels de se réunir et d’échanger, et de construire une « culture commune ».

Formation et sensibilisation des professionnels pour travailler sur leurs représentations des adolescents et conduites à risques et addictives.  « Ne pas banaliser les conduites à risques mais les prendre pour ce qu’elles sont ; travailler autour des risques car ils font partie de la vie, pour accompagner les apprentissages et ne pas stigmatiser. »
FORMATION ET ACCOMPAGNEMENT DES PROFESSIONNELS

   

Créneaux limités au sein des établissements scolaires. « Au collège il n’y a pas toujours la possibilité de lancer des projets participatifs », lié au manque de temps et à la priorité donnée aux programmes scolaires. Malgré le temps limité pour les interventions, l’ANPAA utilise des outils qui permettent, sur un temps court, de sensibiliser aux addictions et travailler sur les CPS, le sens critique, les émotions, etc.

      

Difficulté de faire aujourd’hui une évaluation d’impact à long terme, avec les indicateurs de consommation notamment (depuis 2016, donc peu de visibilité).

Notamment sur le suivi des jeunes ayant bénéficié de l’action, est-ce que cela a eu un impact sur leurs comportements ? Est-ce qu’ils ont été orientés et pris en charge ?

Les retours qualitatifs des actions sont plutôt encourageants et positifs (observations, ressenti), donc les demandes de subvention sont réactualisées depuis 2 ans pour continuer ces activités de préventions.

« Ce qu’on sait c’est que les structures sont toujours demandeuses du maintien de ces activités de prévention. C’est ce qui nous encourage ».

  
Leviers de réussite pour la structure

  • Projet porté politiquement par la Ville et les partenaires institutionnels (ARS, Préfecture d’IdF) en s’inscrivant dans les axes stratégiques du CLS. Et volonté des professionnels sartrouvillois de faire de la prévention, et de bénéficier de sensibilisations et de formations par l’ANPAA78.
  • Construction du projet avec un réseau de partenaires, d’experts et au niveau local. Avec notamment le rôle incontournable des acteurs du territoire qui travaillent déjà avec les groupes de population concernés, sans qui faire venir les jeunes et surtout les parents aux ateliers serait « mission impossible ». « On s’appuie forcément sur un lien préexistant, un lien de proximité », facilité à Sartrouville du fait d’un faible turn-over dans les équipes des structures locales.
  • Approches participatives et interactives pour tous les publics, avec des adaptations depuis 2016 pour mieux favoriser la prise de parole sur ce sujet très sensible pour les populations de Sartrouville. Au départ, en milieu scolaire il s’agissait juste d’un échange interactif avec des élèves sur tout ce qui touche aux addictions, à la représentation des jeunes. Puis depuis 2017, ajout de l’intervention théâtre/danse avec une « manière métaphorique d’aborder les conduites addictives », permettant de « booster » la prise de parole « ça délie plus les langues en milieu scolaire ».
    PÉDAGOGIE INTERACTIVE ET EXPÉRIENTIELLE
  • Financements stables et renouvelés chaque année, permettant de poursuivre la mise en œuvre du programme sur le long terme et de toucher globalement toute une classe d’âge ; et également de pouvoir renouveler la formation des structures locales si nécessaire « parce que c’est une problématique qu’on ne pourra pas éradiquer au bout d’un à deux ans ».  

 

Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Dossier Compétences psychosociales des enfants et jeunes ados (3-15 ans)

Notes:

  • 1 . Politique de cohésion urbaine et de solidarité envers les quartiers les plus défavorisés.
  • 2 . Troupe La compagnie des contraires : pièces jouées par des artistes professionnels et suivies de débats, ces créations théâtrales délivrent un message préventif ciblé en traitant de différentes thématiques