Editorial
Pierre Lombrail, Université Sorbonne Paris Nord, Président de PromoSanté Île-de-France (jusqu'en janvier 2022)
Promosanté Île-de-France a tenu sa journée régionale sur le thème des « démarches participatives territoriales ». Le choix des mots a son importance.
« Démarches » tout d’abord. Au pluriel car il n’y a pas UNE seule façon de faire. L’important c’est la rencontre (la possibilité d’échange authentique, dira Aurélien Troiseufs), celle d’« aller vers » un autre qui occupe éventuellement une place différente voire qui pense autrement que nous… Et parmi les « autres », le pari de l’invitation d’« habitants – usagers – citoyens » a été tenu. Confirmant les attentes de « participation » de personnes trop souvent exclues des lieux où on décide à leur place. Mais au-delà, ces personnes ont témoigné de leur capacité à débattre, certes dans des conditions favorables (en ateliers, animés avec méthodes participatives justement), voire à prendre la parole en amphi et à proposer des pistes de solutions.
« Participatives ». Chacune à leur manière, les deux représentantes des « tutelles », Lise Janneau pour l’ARS, Juliette Paolotti pour la Mission Ville de la Préfecture, ont dit avec force l’importance qu’elles attachent ainsi que leur institution aux dispositifs existants (Contrats Locaux de Santé, Conseils citoyens dans les quartiers Politique de la Ville) ou émergents (« coopératives d’acteurs », Covid Stop Ensemble) dans leur capacité à associer les « publics concernés » à la mise en œuvre des politiques de santé. Elles ont aussi dit l’énergie qu’il faut déployer pour ce faire, nommant indirectement la difficulté d’une généralisation. Pourtant essentielle pour réduire les inégalités sociales de santé et entre territoires.
« Territoriales » donc. Le mot compte tant les inégalités de santé, dans cette région tout particulièrement, imbriquent question sociale et dynamiques territoriales. La question de la bonne échelle territoriale est délicate, tout autant que la question de la représentation : usagers des services de santé ou médico-sociaux, bien difficiles à recruter (en proportion d’un doute sur l’utilité demande Jean Wils) ? Habitants des quartiers populaires (plus qu’une illusoire représentativité, Anne Laurent rappelle dans le Dossier Participation de PromoSanté IdF que l’important est déjà de permettre l’expression de points de vue différents de ceux des professionnels) ? « Simples citoyens » (et Véronique Ghadi a montré comment une démocratie « délibérative » tend à s’imposer comme complément indispensable de la démocratie « représentative ») ?
Dans tous les cas, un défi immense qu’il faut pourtant relever impérativement, en créant des contextes favorables, toujours adaptés aux institutions (établissements de santé ou médico-sociaux, dispositifs divers) et à la variété immense des territoires. L’essentiel, rappelle Véronique Ghadi, n’étant pas d’essayer de figer des façons de faire, mais de changer de paradigme. En cherchant en permanence à innover pour donner aux personnes concernées (la population de la région) la possibilité d’avoir voix au chapitre car c’est leur droit et qu’elles ont une contribution informée à apporter. Tout particulièrement les plus éloignées des services, celles qui ne s’accordent pas la légitimité de s’exprimer ou ont perdu (ou n’ont jamais eu) l’espoir d’être entendues et à qui il s’agit de redonner du « pouvoir d’agir ». Question de démarche donc, de changement de posture des professionnels et des institutions, à base de conviction… et de méthode.
Bonne lecture !
Introduction de la journée
« Les principes de la charte d’Ottawa, et puis de ceux de Bangkok en 2005 qui nous encouragent à faire participer l’ensemble des parties prenantes et des acteurs concernés […], les collectivités locales ont, pour nous, un rôle clef en tant qu’échelon de la démocratie : échelon de la proximité, pourvoyeurs de services publics au quotidien et qui représentent un levier très important pour favoriser une politique de promotion de la santé. Nous œuvrons, l'ARS avec les collectivités, dans ce sens depuis des années, en développant les Contrats Locaux de Santé. »
« Il s’agit vraiment d’une action structurante, au niveau francilien, dans le champ de la santé et de la Politique de la Ville, de par les liens qu’elle a permis de renforcer avec l’ARS notamment, et surtout pour accompagner le développement des ASV, CLS, CLSM afin de contribuer, in fine, à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé en Île-de-France. »
« L’enjeu est de passer de cette démocratie représentative à une démocratie délibérative ou, en tout cas, essayer d’installer les termes d’un débat public pour faire émerger une expertise citoyenne sur des questions, jusque-là considérées comme réservées aux savants : les questions d’ordre technologique, les questions d’environnement, d’aménagement du territoire et les questions de la santé. »
Ateliers participatifs du matin
Venir, rester, ne pas venir / quitter : les motivations à s'investir dans une démarche participative
Une des questions clés pour les acteurs des démarches participatives est celle de la motivation des personnes - professionnels, élus, et habitants - à participer au projet ou à l’action. Pourquoi s’engage-t-on dans un projet participatif ? Pourquoi reste-t-on investi ou, au contraire abandonne-t-on le projet ?
Méthode et technique d'animation : World Café
Les participants sont répartis par tables et doivent imaginer ensemble des réponses à une question. Toutes les 15-20 minutes, ils changent de table et discutent autour d'une nouvelle question, en prenant connaissance des idées des groupes précédents.
Objectifs :
- Favoriser le dialogue, le partage de connaissances et d’idées, autour d’une ou plusieurs questions prédéfinies
- Enrichir les échanges, faire évoluer les idées, identifier les éléments récurrents
Nombre de participants : 15 à une centaine de participants.
Durée : 90 à 120 min (présentation + 15-20 min par round + restitution)
Déroulement :
Le groupe est divisé en autant de sous-groupes que de tables, idéalement 3 à 5 personnes par table.
Pour le premier round (15-20min) : les participants discutent ensemble autour de leur question et notent, sur une feuille, une affiche, une nappe, des éléments de réponses à cette question.
A la fin du temps imparti, les participants passent à la table suivante. Une personne reste à sa place en tant que "hôte de table" pendant que les autres font fonction de voyageurs ou "d'ambassadeurs d'idées". Les voyageurs peuvent apporter des idées-clés, des sujets et des questions dans les nouvelles conversations.
Pour les rounds suivants : l’hôte de table accueille les nouveaux invités et résume les idées, questions et sujets principaux de la première conversation. Les invités peuvent établir des liens entre les idées issues de conversations menées à la table précédente. Et ainsi de suite. On peut poser une seule question, ou modifier la question à chaque round pour guider les conversations.
A la fin du dernier round, chaque table fait une restitution de sa conversation à l’ensemble du groupe.
- Marie-Odile Frattini, Directrice - PromoSanté IdF
- Mariana Dorsa, Chargée du développement territorial et animatrice des appuis aux structures - Pôle de ressources IdF en éducation thérapeutique du patient
- Apolline Caroux, Responsable de projets Promotion de la santé - PromoSanté IdF
- Bouchra Derkaoui, Représentante de parents d'élèves et Elus à la Ville de Groslay (95)
Animer une démarche participative
S’il n’existe pas une méthode unique et toujours gagnante pour mettre en œuvre et animer une démarche participative, quels ingrédients et principes clés peut-on identifier pour assurer la qualité de la démarche mise en œuvre ?
Méthode et technique d'animation : Boule de neige
Il s'agit d'une méthode de maturation progressive autour d'une problématique. Les participants réfléchissent d'abord individuellement à la question, puis ils doivent élaborer une réponse commune en binôme, puis à 4, à 8, et ainsi de suite jusqu'au demi-groupe, et enfin au groupe entier.
Objectifs :
- Retenir un nombre restreint d'idées partagées en un temps court et limité
- Permettre à chacun de s'exprimer facilement, et notamment, les personnes qui sont le moins à l'aise avec la prise de parole en publique
Nombre de participants : 16 participants
Durée : 60 min (présentation + 15 min par round + restitution)
Déroulement :
En binôme, les personnes ont quelques minutes pour élaborer les réponses à la question. Ils complètent et reformulent une réponse commune.
Puis par groupe de 4, en fusionnant 2 binômes, les personnes élaborent de nouveau une réponse commune, de la même manière que l'étape précédente.
Enfin, par groupe de 8, en fusionnant 2 groupes de 4, les personnes proposent une réponse commune, encore une fois. Chaque groupe choisit un porte-parole du groupe pour présenter la réponse à tous les participants de l'atelier.
En groupe complet, les personnes identifient collectivement et échangent sur les points similaires et les différences. Elles établissent ensuite une liste commune et la valident.
- Anne Laurent, Directrice - Institut Renaudot
- Vanessa Galissi, Responsable de projets Promotion de la santé - PromoSanté IdF
- David Muller, Chargé de projets - Institut Renaudot
- Julie Giraud, Chargée de missions - France Assos Santé IdF
Galerie de photos
Ateliers participatifs de l'après-midi
Consulter, collaborer, co-construire : pourquoi ? Comment ?
Objectif de l'atelier
Les termes utilisés pour évoquer la participation sont nombreux : consultation, collaboration, association, mobilisation, co-construction etc... Faut-il toujours viser les plus hauts niveaux de participation ? Comment ne pas être dans une participation-alibi ? Quelles sont les attentes de chacun quant à leur pouvoir décisionnel ?
Méthode et technique d'animation : le croisement des savoirs
Le croisement des savoirs est une démarche développée par le mouvement ATD Quart Monde, dans le contexte de la lutte contre la misère et l'exclusion sociale. Elle s'appuie sur une méthodologie rigoureuse, inspirante pour croiser les savoirs de différents acteurs, les professionnels et les personnes concernées. Il s'agit d'alterner des temps de réflexion entre groupes de pairs, de présentation de la réflexion et d'écoute attentive, d'échanges et de réactions, de co-construction et de décision collective.
« Croiser les savoirs, ce n’est pas additionner les savoirs. Il y a simultanément et progressivement au cours du processus, pour chacun dans la position qu’il occupe, plus d’emprise sur sa compréhension du monde et plus de maîtrise sur la place qu’il y prend.
Croiser, c’est se confronter, c’est-à-dire s’exposer au savoir et à l’expérience de l’autre, pour construire une plus-value. » [P. Brun, 2002]
Cette méthode a été développée dans un contexte particulier qui est celui de la lutte contre la misère et l’exclusion sociale. Néanmoins, il nous semble que les principes sous-jacents et le corps de la méthodologie peuvent inspirer des actions en croisement des savoirs avec d’autres types de publics.
Elle s’appuie sur la Charte du Croisement des Savoirs et des Pratiques dont voici les éléments de cadrage :
Les pré-requis | Les conditions |
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Galerie de photos
Mise en perspective par deux grands témoins
« Il faudrait que l’empowerment soit plus qu’une méthode de développement personnel ou d’adaptation et de responsabilisation des individus, et reste un projet d’émancipation. Et se pose alors, à la fois, la question de l’intégration et celle du dépassement des individus et des groupes, dans une perspective politique. »
« Regarder la participation sous l’angle de la relation, s’interroger sur ce que signifie « agir en commun », implique de se détacher de la participation comme une norme, comme un modèle, comme un critère, voire comme un label. L’idée, ce n’est pas d’essayer de donner une définition figée de ce qu’est ou devrait être le participatif mais de le faire et d’y réfléchir en même temps. Ça s’appelle expérimenter. »
Promotion Santé Ile-de-France remercie le comité d'organisation, les intervenants et l'ensemble des participants de la journée.
L'association remercie également l'association Cité Caritas 78 pour avoir partagé une exposition de photographies à l'occasion de cette journée.
- Virginie Auberthié, Assistante - PromoSanté Ile-de-France
- Patrick Berry, sociologue consultant en promotion de la santé et études environnementales - PB Consult
- Héléna Brugerolles, Responsable de la méthodologie et animatrice des appuis aux structures - Pôle de ressources Education Thérapeutique du Patient Ile-de-France
- Apolline Caroux, Responsable de projets promotion de la santé - PromoSanté Ile-de-France
- Marie-Odile Frattini, Directrice - PromoSanté Ile-de-France
- Nathalie Hoeben, Responsable Communication numérique - PromoSanté Ile-de-France
- Karine Cohen, Chargée de mission - France assos santé Ile-de-France
- Vanessa Galissi, Responsable de projets promotion de la santé - PromoSanté Ile-de-France
- Julie Giraud, Coordinatrice régionale - France assos santé Ile-de-France
- Anne Laurent, Directrice - Institut Renaudot
- Cécilia Masselli, Coordinatrice de l'Atelier santé ville (ASV) et du Conseil local de santé mentale (CLSM) - Ville de Grigny (91)
- David Muller, Chargée de projets - Institut Renaudot
- Alice Puech-Pecot, Chargée de mission - Délégation départementale de Paris de l'Agence Régionale de Santé Ile-de-France
- Agnès Sztal, Responsable de projets politique de la ville - promotion de la santé - PromoSanté Ile-de-France
Animation, ouverture et conclusion de la journée
- Marie-Odile Frattini, Directrice - PromoSanté Ile-de-France
- Pierre Lombrail, Université Sorbonne Paris Nord, Président de PromoSanté Ile-de-France
- Agnès Sztal, Responsable de projets politique de la ville - promotion de la santé - PromoSanté Ile-de-France
Interventions
- Véronique Ghadi, Sociologue
- Lise Janneau, Directrice adjointe de la Promotion de la santé et Réduction des inégalités, Agence Régionale de Santé d'Ile-de- France (ARS IdF)
- Juliette Paolotti, Cheffe de projet Éducation, Culture et Parentalité à la Mission Ville de la Préfecture de région d’Ile-de-France (PRIF)
- Aurélien Troisoeufs, Anthropologue de la santé, GHU Paris prychiatrie et neurosciences
- Jean Wils, Professeur, Représentant des usagers, membre de l'association ALMA Paris
Ateliers
- Apolline Caroux, Responsable de projets Promotion de la santé - PromoSanté IdF
- Bouchra Derkaoui, Représentante de parents d'élèves et Elus à la Ville de Groslay (95)
- Mariana Dorsa, Chargée du développement territorial et animatrice des appuis aux structures - Pôle de ressources IdF en éducation thérapeutique du patient
- Marie-Odile Frattini, Directrice - PromoSanté IdF
- Vanessa Galissi, Responsable de projets Promotion de la santé - PromoSanté IdF
- Julie Giraud, Chargée de missions - France Assos Santé IdF
- Anne Laurent, Directrice - Institut Renaudot
- Cécilia Masselli, Coordinatrice du Conseil local de santé mentale (CLSM) - Ville de Grigny (91)
- David Muller, Chargé de projets - Institut Renaudot
- Agnès Sztal, Responsable de projets Promotion de la santé et Politique de la Ville - PromoSanté IdF