Animer l'articulation des savoirs

Quels enjeux ?

Une pluralité de positions, de savoirs, de représentations à articuler

Souhaiter la participation des habitants–usagers–citoyens (HUC) demande à permettre la rencontre d’individus qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Les savoirs, les logiques de pensée et d’action, les représentations, les cadres de référence de chacun peuvent être différents, parfois synergiques ou complémentaires, d’autre fois divergents voire en opposition. Un travail d’articulation entre ces éléments doit être accompli pour permettre une élaboration et une action concertées. (Dossier Participation  - Concepts)

Des expériences individuelles à légitimer par un processus de montée en généralité

Chaque HUC est porteur de sa propre expérience de vie. Pour construire et légitimer leurs apports, il convient de passer d’une parole individuelle de type « témoignage » à une parole collective. Il s’agit de chercher à identifier les points de convergence et les divergences entre les savoirs et expériences de chacun.

Voir l'interview "Savoirs des personnes concernées", O. Gross

Des enjeux de pouvoir à réguler

La valorisation relative de chaque type de savoir, par un individu ou un collectif porteur d’un projet en promotion de la santé, hiérarchise la reconnaissance de la parole des uns et des autres et définit implicitement le pouvoir que les uns ont sur les autres. Ainsi, on le comprend, plus le savoir expérientiel des personnes est reconnu par le porteur de projet, plus il leur donne de pouvoir. Le processus participatif peut alors aboutir à une mise en tension entre les acteurs impliqués dans le projet ; mise en tension qui montre que le processus participatif est à l’œuvre et qu’il convient de le réguler pour éviter des abus de pouvoir à un moment ou un autre de la démarche. (Dossier Participation - Enjeux)

Comment ?

Former les habitants–usagers–citoyens

Un des débats récurrents sur les procédures d’accompagnement des groupes d’habitants–usagers–citoyens porte sur la nécessité ou non de les « former ». Deux grandes tendances sont résumées dans le tableau ci-dessous. En fonction des projets, il convient de peser les arguments « pour » ou « contre » avant d’envisager une formation pour les HUC.

PositionPostulatArguments
contre  

La présence des HUC n’a de sens que si on part de leurs préoccupations, de leurs attentes et de leurs expériences.

Les habitants d’un quartier sont à même d’élaborer leurs solutions à partir de leurs difficultés, de leurs besoins et de leur connaissance des systèmes sociaux.

Risques :

  • • déformer les demandes
  • • introduire de fausses demandes
  • • amener à accepter les contraintes institutionnelles
  • • inhiber la parole de certains HUC devant des discours savants et construits
  • • aboutir à des recommandations surtout favorables aux professionnels
pour

Plus un individu est « éclairé », grâce à des savoirs professionnels et académiques, plus il est en capacité de construire un point de vue porteur d’intérêt général.

Si sa propre expérience est source de connaissance, elle ne saurait se suffire à elle-même. Il est nécessaire de lui apporter les autres types de savoirs.

Intérêts :

  • • aboutir à la constitution d’un socle commun de savoirs qui puisse servir de support à la réflexion collective des HUC et à leur prise de position
  • • faciliter les échanges avec les praticiens et les chercheurs

 

Principes d’animation

Permettre aux habitants–usagers–citoyens de construire une parole collective

Quelle que soit la méthode utilisée pour travailler entre professionnels et HUC, il est essentiel de faire en sorte que les HUC puissent construire une parole collective en dehors, ou en présence de la présence des autres participants au projet. Il s’agit de :

  • leur permettre de passer de leurs savoirs et expériences individuels à un savoir collectif
  • en repérer les éléments concordants ou discordants
  • construire leurs argumentaires, leurs propositions…

A chaque étape, ils doivent pouvoir porter leurs avis, propositions et entrer en discussion avec les autres acteurs du projet (professionnels, élus…).

Donner à tous les groupes de travail des règles :

  • les temps de parole doivent être équilibrés entre les différents types d’acteurs
  • les jugements de valeur sont à éviter
  • si un membre du groupe interprète la parole d’un autre membre, il est important qu’il vérifie qu’il l’a bien comprise
  • les désaccords sont à énoncer comme un autre avis
  • la recherche à la fois des consensus et des discordances d’avis doit être réalisée et argumentée

Développer des démarches d’animation facilitant la reconnaissance des savoirs

Quelques exemples de démarche d’animation de réunion sont proposés. Chacune d’elle, si elle se veut efficace, doit être conduite d’une manière rigoureuse qui ne se résume pas en quelques mots. C’est pourquoi nous vous renvoyons vers un descriptif détaillé de la méthode d’animation.

La démarche du « croisement des savoirs et des pratiques » du mouvement ATD Quart Monde

« On parlera d’un processus de co-formation par reconnaissance réciproque des savoirs. Professionnels et représentants des personnes en difficulté sont invités à interroger leurs pratiques d’interactions réciproques à partir de la place que chacun occupe dans l’interaction, des savoirs d’expérience pour les uns et la compétence institutionnelle pour les autres et plus largement des représentations qu’ils ont des situations. » [Brun P., 2002]

Bien que la démarche du croisement des savoirs du mouvement ATD Quart Monde a été développé dans le contexte particulier de la lutte contre la misère et l’exclusion sociale, les principes sous-jacents et le corps de la méthodologie peuvent inspirer des actions en croisement des savoirs avec d’autres types de publics. Elle s'appuie sur une méthodologie rigoureuse, inspirante pour croiser les savoirs des différents acteurs : les professionnels et les personnes concernées.

Il s'agit d'alterner des temps de réflexion entre groupes de pair, des temps de présentation de la réflexion, des temps d'écoute attentive, d'échanges et de réactions, et des temps de co-construction et de décision collective.

 

Voir la Charte du croisement des savoirs de ATD Quart Monde

 

Autres méthodologies facilitant le croisement des savoirs et des pratiques